Retour sur le marché du travail après une pause parentale lors d'une expatriation : comment s'y prendre

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Publié le 2024-04-01 à 10:00 par Asaël Häzaq
Après plusieurs années de travail à temps complet auprès de ses enfants, l'heure vient au retour au travail dans l'entreprise. Comment vivre ce retour et se préparer pour bien se vendre auprès des recruteurs ? Existe-t-il des États qui facilitent la réinsertion sur le marché du travail après une pause parentale ?

Qu'est-ce que la « pause parentale » ?

Le congé parental, ou pause parentale, est une période pendant laquelle les parents s'occupent à plein temps de leurs enfants. Certains estiment que la pause parentale s'entend généralement « hors congé parental ». Elle suppose un temps très long, pouvant durer 2, 5, 8 ans ou plus. Qu'elle soit imposée par le contexte socio-économique ou non, cette pause est une longue période durant laquelle le parent n'exerce pas d'activité professionnelle, mais concentre son travail sur l'éducation de ses enfants. C'est le cas, par exemple, de couples expatriés dont l'un des deux membres travaille ; l'autre gère le foyer. Cette répartition peut être voulue ou non. Elle répond parfois à des impératifs pratiques et économiques. Le conjoint suiveur a dû quitter son activité pour suivre son conjoint ; il recherche un autre emploi dans le pays étranger, se reconvertit professionnellement, ou décide d'être parent à temps plein.

La notion de pause parentale rappelle que la définition du mot « travail » est bien plus large que le sens qu'on lui donne habituellement. Le travail ne consiste pas seulement à exercer une profession rémunérée, mais consiste à exercer une activité. Être parent en est une.

Mais comment mettre en valeur cette pause parentale sur le CV ? Risque d'incompatibilité, de perte de repères… Du moins, c'est l'idée communément répandue. Une idée fausse, car oubliant de considérer l'activité parentale comme un véritable travail, qui apporte compétences et qualifications.

Quels pays facilitent le retour au travail après une pause parentale ?

La Suède, considérée comme l'un des pays les plus généreux en matière de congé parental, entend garantir un modèle protecteur pour les femmes. La Suède figurait parmi les meilleurs pays pour s'expatrier en 2023, notamment pour les femmes. C'est d'ailleurs en pensant à leur carrière que le modèle suédois se serait construit.

La Finlande et la Norvège, également plébiscitées par les expatriés, sont aussi citées comme des États généreux en matière de congé parental, et comme des modèles de lutte pour la parité femmes/hommes. Ils accompagneraient « mieux » les parents de retour sur le marché du travail. Avec sa réforme de 2021 sur le congé paternité et ses avancées concernant les droits des femmes, l'Espagne veut aussi faire un pas de plus pour favoriser le retour au travail après une pause parentale. Au Royaume-Uni, les pauses parentales peuvent avoir toute leur place sur le CV.

Mais la route est encore longue. Les salariées, qu'elles soient expatriées ou non, font face à l'inégalité salariale. À compétences égales, les hommes sont mieux rémunérés. L'inégalité peut augmenter d'un cran pour les expatriées travaillant dans des pays où les inégalités salariales entre femmes et hommes restent fortes. Pour elles, les avancées en matière de congé parental doivent aller de pair avec une lutte efficace contre les inégalités salariales, et de véritables réformes pour prendre en compte les autres aspects de la parentalité (notamment la hausse du nombre de places en crèche).

Il faut également voir la manière dont l'entreprise considère la pause parentale. D'où l'importance de se renseigner sur la législation du pays d'accueil concernant le congé parental. À la décharge de l'expatrié, ce point entre rarement dans la liste des questions indispensables à se poser avant une expatriation. On découvre souvent les choses quand un projet bébé se met en route.

Culture du travail contre pause parentale ?

De nombreuses entreprises continuent d'associer « pause parentale » et « déconnexion du monde du travail ». Le travail rémunéré serait le seul vecteur de statut social. Une vision contre laquelle se battent les défenseurs du congé parental, et qui soulève un paradoxe. Les États multiplient les politiques pour faire remonter la démographie. Mais dans le même temps, les gouvernements ne s'attaquent pas frontalement aux inégalités salariales et aux autres discriminations envers les femmes. Des discriminations qui se voient dans l'entreprise.

En janvier 2023, le gouvernement sud-coréen a proposé une loi pour allonger le congé parental. Il passe d'un an à dix-huit mois pour les femmes et les hommes. La mesure est censée encourager les couples à procréer. Mais la culture du travail a la dent dure. Une culture qui touche aussi des expatriés déterminés à faire leurs preuves, et qui hésitent à utiliser leur droit. Difficile de s'arrêter alors que personne d'autre dans l'entreprise ne le fait. Ils préfèrent s'aligner sur les pratiques de l'entreprise plutôt que de risquer de « perdre leur place » ou d'être mal vus. Difficile de revenir après une pause parentale quand l'entreprise ne semble rien faire pour faciliter ce retour.

Le cas de la Corée du Sud peut s'appliquer aux autres pays. D'un côté, les États frappés par la crise démographique proposent des lois pour faire monter le taux de natalité. De l'autre, de nombreux employeurs continuent de voir d'un mauvais œil les pauses parentales. Ceux qui encouragent et même allongent les pauses parentales ne sont pas forcément des multinationales : BlaBlaCar, société de covoiturage, propose 4 semaines supplémentaires rémunérées à 100 % pour les jeunes parents. Mobidys, maison d'édition proposant des livres accessibles aux dyslexiques, en propose 10, toujours rémunérées à 100 %. D'autres entreprises, comme Netflix, Volvo, Google ou Microsoft proposent aussi des congés parentaux (ou des congés paternité) en plus.

Comment retourner sur le marché du travail après une pause parentale ?

Derrière cette question se cache celle du « trou » sur le CV. Peut-on envisager une carrière à l'étranger avec un CV morcelé ? Les expats préfèrent l'éviter, tout comme les locaux. Car les « trous » dans le CV restent mal vus. On ne compte plus les candidats contraints de tricher pour masquer une période de chômage, de maladie, ou tout simplement un souhait de se tenir loin de l'entreprise durant un moment, pour s'occuper de ses enfants, par exemple.

Pourtant, les entreprises valorisent d'autres périodes de « trous » : voyages humanitaires, activités sociales à l'étranger, etc. Ces expériences non rémunérées sont évaluées positivement, car elles renseignent sur la personnalité du candidat. Elles montrent tant ses compétences techniques (hard skills) que sociales (soft skills). A contrario, les parents en congé parental restent stigmatisés. Certains assimilent le congé parental à des vacances, alors qu'il s'agit d'un travail du quotidien.

Mais la roue commence à tourner. Les défenseurs de la pause parentale militent tout d'abord pour que la pause parentale ne soit plus considérée comme un « trou » sur le CV. Leur premier conseil pour les expats est de se renseigner sur la culture d'entreprise. Quelle place fait-on pour les parents ? Peuvent-ils facilement adapter leur emploi du temps pour s'occuper de leurs enfants ? Que fait le pays d'expatriation pour les parents ? (par exemple, la prise en charge de la grossesse, le nombre de places en crèche, la place de l'éducation...)

Mettre en valeur la pause parentale sur son CV

La meilleure façon de défendre son droit est de bien en parler. Écrire clairement « congé parental » sur son CV, au même titre que tout autre travail, permet de mettre ce congé au même niveau que les autres expériences professionnelles. Il faut ensuite répertorier toutes les compétences tirées de cette activité, comme on le ferait pour un autre emploi : gestion de crise, communication de crise, gestion d'équipe, management, gestion des stocks, conseil, formation linguistique, négociation, création de projets pédagogiques, etc.

N'hésitez pas à titrer votre pause parentale. Comment vous définissez-vous ? « Conciliateur pédagogique », « Chef de projet famille » ou « Responsable d'équipe familiale » sont des titres que l'on voit apparaître sur les CV de parents qui retournent sur le marché du travail.

Se former

On déconseille de sauter de la case « travail familial » à la case « recherche d'emploi ». Mieux vaut commencer par réviser son projet professionnel. Celui-ci a peut-être évolué durant le congé parental. Prenez le temps de redéfinir votre projet professionnel (bilan de compétences) et refaites le point sur le marché du travail de votre pays d'accueil. Le cas échéant, entamez une formation. N'oubliez pas la « formation passive » tout au long de votre congé parental. Par exemple, la lecture de journaux, la maîtrise de logiciels, l'apprentissage de la langue du pays d'expatriation...

Anticiper

Rester une longue période loin du marché du travail crée une déconnexion. On en comprend toujours les rouages, mais on ne s'y sent plus forcément à sa place. D'où le temps de formation. Ça n'empêchera pas les critiques de pleuvoir, mais l'on sera mieux préparé pour y répondre. Les expatriées sont particulièrement visées. On les imagine vivre « la belle vie » et ne travailler « que par loisir ». Leur carrière à l'étranger est ralentie à cause de cette période passée loin du monde de l'entreprise. Les hommes de retour dans l'entreprise peuvent aussi subir les critiques. Anticipez-les. Faites appel à un coach ou un organisme dédié à la reprise d'activité pour vous préparer aux entretiens d'embauche.

Relativiser

Revenir sur le marché du travail après une longue absence peut faire peur. Ces appréhensions, compréhensibles, ne sont ni à minimiser ni à cacher, mais à questionner. Derrière ces peurs se cache souvent la crainte de n'être plus assez compétent, la peur du regard de l'autre, la culpabilité ou la honte d'être resté loin du monde du travail, la dévalorisation de soi, la perte de repères, etc. Le temps de formation permettra de reprendre confiance en soi pour mieux se vendre auprès des employeurs.

Zoom sur le congé parental

En matière de congé parental, les regards se tournent presque naturellement vers les pays scandinaves, réputés en avance sur le reste du monde. Leurs politiques sociales ont fait leurs preuves. Ainsi, la Suède octroie 18 semaines de congés pour les mères, rémunérées à 100 %. Les pères ont 5 semaines de congés, qu'ils peuvent cumuler avec ceux de la mère. Les deux parents disposent de 32 semaines supplémentaires jusqu'au premier anniversaire du bébé ; ces 32 semaines sont rémunérées partiellement.

Dans son rapport publié en juin 2021, l'UNICEF estime que la Suède, l'Islande et le Luxembourg proposent les congés parentaux les plus « généreux » pour les « deux parents ». Cela n'empêche pas les inégalités. Même en Suède, où les termes « congé maternité » et « congé paternité » sont bannis depuis longtemps, la majorité du congé parental reste pris par les mères.

En Allemagne, le parent dispose de 14 mois de congés ; il touchera 65 % de son salaire. Ces 14 semaines sont disponibles pour le père ou la mère de l'enfant. En Norvège, les pères ont le droit à 14 semaines de congés rémunérés à 100 %. Il peut aller jusqu'à 32 semaines. À ces lois nationales peuvent s'ajouter des dispositifs régionaux avantageux pour les parents. En 2021, l'Espagne prend une avance sur ses voisins européens en accordant 16 semaines de congés aux pères. Le Canada octroie 5 semaines de congés, y compris pour les parents de même sexe.

Peut mieux faire en revanche pour de nombreux pays d'Asie et d'Afrique, où la place du père n'est pas encore valorisée. Peut mieux faire aussi aux États-Unis. Le pays n'accorde que 12 semaines de congés, uniquement pour la mère, non payés, et sous conditions. Le congé pour les pères n'existe pas au niveau fédéral.