Travail à l'étranger : les nuances culturelles à ne pas négliger

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Publié le 2024-03-27 à 10:00
L'expatriation professionnelle est souvent perçue comme une étape enrichissante. Toutefois, cette aventure ne doit pas se résumer aux conditions ou aux horaires de travail. En effet, chaque pays possède ses propres codes culturels, parfois implicites, qui peuvent influencer considérablement l'intégration et l'expérience dans son ensemble. Quelles sont les subtilités à connaître pour façonner votre quotidien en tant qu'expatrié et salarié ?

L'équilibre vie professionnelle-vie personnelle et les congés

Les règles relatives aux congés payés varient considérablement d'un pays à l'autre. Si la plupart des pays ont des lois fixant un nombre minimum de jours de congé, les États-Unis, par exemple, se distinguent par l'absence de réglementation fédérale en la matière. Ajoutons que la possibilité de prendre des congés ne dépend pas uniquement de la loi. Les normes culturelles relatives à la productivité, à la loyauté envers l'entreprise, à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et au rôle paternel au sein de la famille influencent également la possibilité pour les expatriés de profiter de leurs congés payés, dépendant du pays où ils travaillent.

Autre exemple, au Japon, les entreprises doivent accorder entre 10 et 20 jours de congés payés à tous les travailleurs, selon leur ancienneté. Un paradoxe lorsqu'on sait que les congés constituent un sujet tabou dans la culture professionnelle nippone, qui valorise le travail acharné. Cette tendance est si profondément enracinée qu'elle est désignée par le terme « karoshi », pour décrire les décès liés à une surcharge de travail. Ce phénomène affecte les femmes et les hommes de manière égale : les mères se retrouvent souvent contraintes d'abandonner leur emploi après la naissance de leur enfant, en raison des difficultés à concilier travail et éducation. De leur côté, les pères sont encouragés à sacrifier leur vie familiale, même après la naissance, pour effectuer des heures supplémentaires au travail.

Dans certains pays, les employés peuvent ressentir une pression sociale pour paraître productifs, même si le travail effectif accompli est limité. Selon l'étude « State of Work 2023 » de Slack, menée au Japon, à Singapour et en Inde, les employés de bureau sont beaucoup plus enclins que ceux d'autres pays à pratiquer le présentéisme. Cela en maintenant leur statut « en ligne » toujours actif sur Teams et en communiquant régulièrement pour indiquer à leurs collègues qu'ils sont au travail.

L'expatrié habitué à un rythme de travail plus flexible peut être déconcerté par une culture d'entreprise où les collègues indiquent ouvertement leurs activités lorsqu'ils sont en télétravail. Cette pratique peut sembler transgresser la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle. Pour s'intégrer avec succès, il est essentiel de mettre en place une communication claire et ouverte avec la direction et la hiérarchie dès le début. Par ailleurs, les collègues locaux ont souvent une attitude plus accueillante et compréhensive, particulièrement au début, l'expatrié étant nouveau dans l'entreprise et dans le pays.

Il peut également arriver qu'un expatrié originaire d'un pays où l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle n'est pas prioritaire soit surpris, au début, par une approche plus décontractée de la vie au travail. L'Espagne illustre cette tendance de plusieurs manières. Dans l'indice Global Life-Work Balance Index 2023 de l'entreprise de ressources humaines Remote, elle occupe la deuxième place mondiale en matière d'équilibre vie professionnelle et vie privée. De plus, elle se classe au troisième rang mondial (après la France et l'Italie) pour le temps que ses travailleurs accordent aux loisirs et divertissements en dehors du travail.

Bien que la tradition de la sieste tende à s'estomper, certaines entreprises espagnoles autorisent encore leurs employés à faire une pause de 1 à 2 heures en début d'après-midi ou une pause déjeuner prolongée. Pendant les mois d'été, d'autres entreprises optent pour la jornada intensiva (« journée de travail intensive »), durant laquelle les employés travaillent sans interruption jusqu'à 15 heures, sans pause déjeuner, afin de quitter plus tôt et profiter des longues soirées estivales. Pour les expatriés habitués à une journée de travail régulière de 9 à 5 toute l'année, cette coutume peut sembler étrange au début. Ils doivent s'habituer à ne contacter leur supérieur que pour des questions professionnelles, et ce, avant 15 heures.

Le code vestimentaire tacite

Les principaux éléments du code vestimentaire sont généralement énoncés dans le règlement intérieur de l'entreprise, accessible sur son site Web ou dans la documentation fournie lors du processus d'intégration. Ils sont souvent également discutés verbalement par les ressources humaines lors de l'entretien d'embauche ou de la signature du contrat. Ce code peut inclure non seulement les normes générales de professionnalisme du pays, mais aussi l'image spécifique que l'entreprise œuvre à véhiculer.

Au-delà des règles formelles, certains aspects du code vestimentaire peuvent influencer subtilement l'impression que vous donnez et votre intégration à la culture du pays. Les couleurs saisonnières en sont un bon exemple. Au Royaume-Uni, par exemple, il est de coutume de porter des couleurs plus sombres et neutres en hiver, comme le noir, le gris, le marron, le bordeaux, le bleu marine et le violet foncé. Bien qu'aucune entreprise n'interdise explicitement le port du rose en hiver, le choix de couleurs ou de motifs inadaptés à la saison peut susciter des regards étonnés, voire des commentaires et égratigner votre image professionnelle.

Toujours au Royaume-Uni, en plein hiver (novembre-janvier), le blazer jaune vif et fleuri au travail, même s'il peut naturellement faire partie de la garde-robe professionnelle décontractée, peut être perçu comme inapproprié et excentrique. Cette tenue risque de vous identifier immédiatement comme un expatrié qui n'a pas encore assimilé les normes vestimentaires locales, ce qui pourrait compromettre vos chances de promotion, notamment pour un poste impliquant des interactions avec la clientèle.

Les normes sociales autour de l'expression des genres dans un pays, qu'elles soient plus traditionnelles ou plus progressistes, ont un impact sur les attentes en matière de tenue vestimentaire, surtout pour les femmes. L'exemple de l'Arabie saoudite est illustratif. L'ouverture de ses frontières au tourisme non religieux en 2019 a sonné la fin de l'obligation légale pour les femmes de porter le foulard ou l'abaya (robe longue et ajustée aux pieds). Malgré tout, de nombreuses expatriées continuent de porter l'abaya en public, notamment au marché, afin de s'intégrer à la culture locale.

En Arabie saoudite, y compris dans les lieux de travail non saoudiens comme les écoles américaines, les expatriés sont tenus de respecter certaines normes de modestie, même si les directives concernant l'habillement pudique ne sont pas toujours explicites. En pratique, cela implique que les jupes doivent descendre jusqu'aux chevilles, que les décolletés doivent être discrets et que les hauts doivent couvrir les coudes.

Dans certains pays, les vêtements ethniques peuvent également être considérés comme professionnels, voire comme un signe de respect et d'intégration de la part des expatriés qui les adoptent. En Inde, par exemple, le kurti, le sari et le salwar kameez sont des vêtements d'affaires décontractés acceptables pour les femmes, tant qu'ils ne sont pas trop brodés ou décorés. Le salwar kameez se compose d'une longue tunique et d'un pantalon ample assorti, tandis que le kurti est une tunique légèrement plus courte (généralement à hauteur des cuisses) souvent brodée.

Dans les entreprises indiennes où le code vestimentaire est décontracté, les kurtis peuvent être portés avec un jean foncé et des ballerines. Bien que les expatriés puissent opter pour une tenue décontractée occidentale, l'adoption d'une tenue ethnique locale peut être perçue comme un signe d'intégration par leurs collègues Indiens, ce qui est généralement apprécié.

La nourriture, un aspect important souvent négligé de la culture professionnelle

L'alimentation est un aspect souvent négligé de la culture du travail, alors qu'elle peut revêtir une importance capitale. En effet, la nourriture et les habitudes qui l'entourent, c'est-à-dire, le partage, le service, les cadeaux ou encore les compliments, constituent un moyen subtil, mais efficace de tisser des liens, de créer des réseaux et de témoigner du respect. Tout comme le port de vêtements adaptés à la culture locale, la maîtrise des normes culinaires en tant qu'expatrié vous permettra de démontrer votre respect envers la culture locale et de faire une impression positive sur votre entourage.

L'étiquette des dîners d'affaires illustre parfaitement l'importance de la nourriture dans l'adaptation à la culture professionnelle d'un pays étranger. La participation à ces événements peut être plus fréquente dans certains métiers, comme la vente ou la gestion de comptes, mais l'étiquette s'applique également aux déjeuners entre collègues et aux fêtes de fin d'année.

En Chine, par exemple, le repas suit des codes précis. Si vous mangez avec un collègue plus âgé ou occupant un poste supérieur, attendez qu'il commence à manger et servez-lui un verre (même sans alcool) avant de vous servir vous-même. Cette marque de respect est également appréciée de vos collègues du même rang. Lorsque vous partagez un plat, y compris des frites, laissez le dernier morceau à votre convive. Pour refuser poliment de la nourriture, usez de formules indirectes : « Merci, j'ai bien mangé » au lieu de « désolé, je n'aime pas ça ».

En France, une loi du 19e siècle sur l'hygiène publique interdit, en théorie, de déjeuner sur son lieu de travail. Bien que cette loi semble obsolète, la culture française voit d'un mauvais œil le fait de déjeuner seul à son bureau. En effet, les pauses déjeuner en France durent souvent une heure et constituent une occasion de se déconnecter du travail et de socialiser avec ses collègues. Une étude réalisée en 2016 par The Local France a révélé que près de la moitié des salariés français consacrent plus de 45 minutes à leur déjeuner, contre seulement 10 % et 3 % des salariés britanniques et américains. De ce fait, un expatrié qui choisit de rester à son bureau pour manger au lieu de rejoindre ses collègues risque d'être perçu comme antipathique ou asocial.

Ces quelques exemples illustrent comment des normes culinaires au travail, bien que souvent implicites et relativement simples, peuvent influencer la manière dont vous, en tant qu'expatrié, établissez des liens avec vos nouveaux collègues.