La hausse du coût de la vie incite les Britanniques à s'expatrier

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Publié le 2022-09-07 à 12:24 par Ameerah Arjanee
L'enquête trimestrielle de Totaljobs' Hiring Trends Index - l'indice de tendances en matière d'employabilité du site d'offres d'emplois britannique Totaljobs - indique que la hausse du coût de la vie au Royaume-Uni, notamment l'augmentation imminente des factures d'énergies par 80 %, pousse les Britanniques à s'expatrier. 13 % des sondés, ce qui est représentatif de 4,5 millions de personnes, ont fait valoir qu'ils envisageaient fortement de quitter le Royaume-Uni. 

Ce sont surtout des jeunes et des Londoniens qui sont les plus enclins à vouloir s'installer à l'étranger. Les facteurs de motivation qu'ils énumèrent vont du coût de la vie moins élevé aux opportunités de carrière, en passant par une meilleure qualité de vie et l'envie de voir le monde.

La crise du coût de la vie au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni est confronté ces jours-ci à une crise du coût de la vie qui est le résultat de l'effet cumulé du Brexit, de la pandémie de Covid-19, de la guerre en Ukraine, de l'inflation globale et des politiques locales.

En juillet, l'inflation a atteint 10 %. Bien qu'il y ait une tendance inflationniste mondiale en 2022, ce pourcentage est plus élevé en comparaison aux nombreux autres pays développés. Par exemple, l'inflation est de 8,5 % aux États-Unis, de 7,5 % en Allemagne et de 2,6 % au Japon. Comme indiqué par le quotidien britannique The Guardian, la Banque d'Angleterre - Bank of England -, prévoit que l'inflation pourrait atteindre 13 % tandis que Citibank brosse un tableau plus sombre avec un taux d'inflation de 18 % en janvier 2023. Pendant ce temps, les salaires au Royaume-Uni n'ont pas été revus à la hausse conformément à l'inflation galopante.

Les syndicats ont organisé de multiples manifestations à travers le pays pour que le salaire minimum soit porté à 15 livres sterling, soit l'équivalent de 17,5 dollars américains, de l'heure et que le gouvernement prenne rapidement des mesures concrètes pour soutenir les classes moyennes et ouvrières. La nouvelle Première ministre Liz Truss n'a pas encore fourni de réponses claires à ce sujet, ce qui alimente un sentiment de frustration et d'incertitude. Les aides financières limitées de l'État ne suffisent plus à la survie de certaines familles. Une campagne intitulée « Don't Pay UK » va même jusqu'à encourager les Britanniques à ne pas régler en octobre prochain leurs factures d'énergie en guise de protestation.

En effet, le dernier coup dur a été l'annonce d'une hausse prochaine des factures d'électricité et de gaz en octobre. La facture énergétique moyenne pourrait atteindre 3 549 livres sterling (environ 4 100 dollars américains) par an en octobre. À l'été 2022, elle était de 2 100 livres sterling, et lors du dernier hiver avant la pandémie (hiver 2019), elle était de 1 227 livres sterling, selon l'Ofgem, le régulateur gouvernemental de l'énergie. La hausse ne s'arrêtera pas en octobre, car il est prévu qu'elle dépasse les 5 000 livres sterling en 2023. Pour mettre les choses en perspective, les nouveaux diplômés au Royaume-Uni perçoivent entre 18 000 et 28 000 livres sterling. La nouvelle facture d'énergie de 5 000 livres sterling représentera donc 17 à 28 % de leur revenu. Le salaire moyen au Royaume-Uni étant de 38 131 livres sterling, la nouvelle facture d'énergie équivaudra à 13 % de cette rémunération.

La classe moyenne et de la classe ouvrière font face à des difficultés

Il n'est pas surprenant que de nombreux Britanniques soient en proie à des difficultés financières. Le Financial Times rapporte que les consommateurs britanniques ont cessé d'acheter des produits de marque lorsqu'ils font leurs courses, et optent plutôt pour des marques moins chères, même pour des produits de base comme le pain tranché. Un consultant britannique en informatique, Lewis Ford, a fait état des difficultés financières de sa famille dans un article d'opinion sur le site en ligne d'Al Jazeera. Ce, bien que sa conjointe, une professionnelle de la finance, et lui-même, aient tous deux un emploi bien rémunéré.

Les nouveaux diplômés sont également confrontés à une immersion difficile dans le monde du travail. Dans les colonnes du Guardian, Aravindh Suresh, un jeune homme de 21 ans qui sera bientôt diplômé en économie à la London School of Economics and Political Science, explique que malgré les salaires élevés dans son domaine, il a du mal à trouver des appartements dont les loyers sont moins de 900 livres sterling par mois. Les jeunes diplômés dans des domaines moins lucratifs sont dans une situation encore plus déplorable. Deyna Grimshaw, 21 ans, étudiante en dernière année de littérature anglaise, déclare qu'elle aura du mal à quitter la maison de ses parents, car elle doit 60 000 livres sterling en frais de scolarité et en prêts de subsistance, surtout parce qu'il est peu probable qu'elle trouve un emploi « très bien rémunéré ». L'inflation a également fait augmenter les intérêts de la dette étudiante que les jeunes diplômés doivent rembourser chaque mois.

Le plus inquiétant est que de nombreuses familles britanniques risquent de prendre froid cet hiver, faute de pouvoir payer leurs factures d'énergie. La forte hausse du coût de l'énergie met en danger quelque 9 000 « endroits sensibles » au Royaume-Uni, rapporte la Coalition en faveur de la fin de la précarité énergétique, la End Fuel Poverty Coalition. Ces endroits, dont certains sont situés dans de grandes zones métropolitaines comme Birmingham, souffrent d'un manque d'isolation adéquate au sein des habitations. Cette situation pourrait entraîner le décès des personnes vulnérables, à l'instar de jeunes enfants et des personnes âgées.

L'immigration comme solution

La crise du coût de la vie décrite ci-dessus explique pourquoi 4,5 millions de personnes, selon l'enquête de Totaljobs, souhaitent partir à l'étranger. Un quart des personnes interrogées ont également déclaré qu'elles déménageraient si on leur proposait une offre d'emploi. 3 %, soit 380 000 travailleurs britanniques, prennent les devants pour s'installer à l'étranger d'ici les deux prochaines années.

Le pourcentage est particulièrement élevé parmi les Londoniens (23 %) et les jeunes âgés entre 18 et 25 ans. La nature cosmopolite des Londoniens ainsi que le coût exorbitant de la vie dans la capitale britannique pourraient expliquer ce phénomène. Cette année, des avocats et des chauffeurs de bus de Londres ont fait grève pour protester contre le coût de la vie. Quant aux jeunes adultes, l'envie de voyager après n'avoir pas pu le faire pendant deux ans de pandémie est un autre facteur de motivation. Les adultes dans la tranche des 35 à 44 ans sont ceux qui ont eu tendance à citer le coût de la vie comme principal facteur de départ à l'étranger (48 % l'ont cité comme raison principale). Ils sont susceptibles de devoir élever des enfants et de rembourser des dettes.

Partir, oui, mais où ?

Dans quels pays ces Britanniques déménagent-ils ou envisagent-ils de le faire ? L'entreprise de déménagement international Movehub énumère ces dix destinations principales : l'Australie, les États-Unis, le Canada, l'Espagne, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande, la France, l'Afrique du Sud, l'Allemagne et l'Italie.

L'Australie se démarque comme le meilleur choix. Plus d'un million de Britanniques vivent en Australie. Le cabinet d'avocats spécialisé dans l'immigration Reiss Edwards révèle que les recherches Google pour « demande de visa australien » ont augmenté de 670 % au cours des derniers mois. En avril 2022, les recherches plus générales sur Google pour les termes « déménager à l'étranger » ont augmenté de 1 000 %.

Près d'un million de Britanniques sont installés aux États-Unis et un demi-million au Canada. L'Afrique du Sud, où vivent plus de 100 000 Britanniques, est populaire pour sa douceur climatique et ses logements qui sont proposés à des prix abordables, indique la compagnie d'assurances pour expatriés, William Russell. L'entreprise affirme également que le nombre d'expatriés britanniques à l'étranger a augmenté de 30 % après le vote du Brexit en 2016. Le Brexit a initié une tendance qui se poursuit avec la crise actuelle du coût de la vie. Certains l'appellent même le « Grand Déménagement » - « Great Relocation » -, en écho à la « Grande Démission » - « Great Resignation » - qui a vu des personnes quitter leur emploi aux États-Unis pendant la pandémie.