Les villes les plus chères du monde attirent-elles toujours les expats ?

Actualités
  • cout de la vie
    Shutterstock.com
Publié le 2022-07-04 à 14:00 par Asaël Häzaq
Le cabinet Mercer vient de dévoiler son enquête annuelle sur « le coût de la vie et du logement pour les expatriés ». L'édition 2022 était particulièrement attendue ; depuis la Covid, l'économie mondiale enchaîne les secousses. L'inflation assomme des conjonctures déjà étranglées par la crise sanitaire et la crise du pétrole, sans compter la guerre en Ukraine et les instabilités politiques. Où s'expatrier en 2022 ? Les villes chères sont-elles moins attractives ? Quels critères entrent en compte pour choisir son pays d'accueil ?

Hong Kong retrouve sa place de ville la plus chère du monde

En 2022, Hong Kong retrouve sa place de ville la plus chère du monde. Elle occupait ce rang en 2020 (juste devant Achgabat), avant d'être détrônée par Achgabat, ville du Turkménistan, en 2021. Une année particulière marquée par les différentes politiques Covid des États. La position de Hong Kong peut étonner. Cet État est quasi fermé depuis la Covid. Une crise sanitaire qui a précipité le départ d'expatriés, déjà inquiets par la dégradation du climat social depuis 2019 et l'emprise progressive de Pékin. L'inflation est plutôt contenue : 1,3% en avril et mai, 3% en rythme annuel.

Mais la hausse du cours du dollar fait flamber les prix à Hong Kong. Le dollar de Hong Kong (HDK) est indexé sur le dollar américain (USD). En 2005, une fourchette à ne pas dépasser est fixée : 7,75 à 7,85 HDK pour 1 USD. Or, le cours du dollar s'envole depuis début 2022 et frôle aujourd'hui la limite. Au quotidien, cela donne des fruits et légumes chers (11 USD / 87 HDK), des prix de logement au m² qui s'envolent (171 500 HDK / près de 22 000 USD), le litre à la pompe toujours plus cher (21 HDK / 2,65 USD).

Où s'expatrier en 2022 ? Les surprises du top des villes les plus chères du monde

La Suisse entre dans le top des pays où s'expatrier. Mais ses grandes villes font aussi partie des villes les plus chères du monde. Zurich, Genève, Bâle et Berne occupent respectivement les 2e, 3e, 4e et 5e positions. Elles les occupaient déjà en 2021. Un logement peut coûter jusqu'à 11800 francs suisses (CHF) le m², soit 12 260 $US. Le litre d'essence frôle les 2 francs suisses (1,85, soit 1,92 USD). La Suisse a toujours été perçue comme un pays cher. Ce coût élevé de la vie reste à mettre en balance avec des salaires généralement élevés, pour une meilleure qualité de vie (services, structures adaptées, espaces verts, etc.)

Si le positionnement des villes suisses ne surprend pas, celui d'autres mégapoles peut étonner. Tokyo, 2e ville la plus chère en 2019, stationne à la 9e place depuis 2 ans. Dubaï, 21e en 2019, se retrouve 31e cette année. Copenhague, 20e en 2019, frôle l'entrée dans le top 10 (11e). Paris fait un bond de la 47e à la 35e place. La Covid 19 a transformé le paysage mondial. L'inflation, la mauvaise surprise de 2022, plombe des économies qui retrouvaient des couleurs. À Dubaï, les prix ont monté de 4,6% en avril. Du jamais vu depuis mai 2015. En France, la hausse s'accélère : + 5,8% en juin. Au Japon, l'inflation atteint 1,9% en glissement annuel. Certaines entreprises réduisent le contenu de leurs produits (un biscuit en moins dans un paquet, 900ml de boisson vendue au lieu d'un litre…) sans baisser leurs prix. Comment les expatriés perçoivent-ils ces changements ?

Hong Kong n'attire plus les expatriés

La poussée inflationniste mondiale soulève un paradoxe. Les villes les plus frappées ne sont pas forcément les plus chères. À Madrid, l'inflation vient de dépasser les 10%. La ville est cependant 90e au classement Mercer. En effet, l'inflation n'est pas le seul critère d'évaluation. L'attractivité d'une ville se mesure, et par son coût de la vie et le niveau des salaires, et par sa qualité de vie : respect de l'environnement, politique écologique, éducation, avancées sociales, cadre de vie, propreté de la ville, ambiance stressante ou non, fiscalité, politiques publiques, contexte géopolitique… Autant de variables qui influent sur le positionnement de telle ou telle ville, et que les expatriés regardent à la loupe.

Si Hong Kong, ville la plus chère du monde, ne cesse de perdre des expatriés, ce n'est pas tant à cause du coût de la vie qu'à cause de la situation politique. Depuis les manifestations pro démocratie de 2019, l'ombre de la Chine ne cesse de menacer la cité-État. En 2022, la fuite des expats s'accélère. Selon le journal CNBC, 93 000 étrangers avaient déjà quitté Hong Kong en 2020. Près de 25 000 arrivent à partir durant la pandémie. 2022 pourrait voir plus de départs encore : en avril, 71 000 expats avaient déjà quitté Hong Kong. La gestion de la crise sanitaire a été, pour beaucoup, « la goutte de trop ».

Expatriation : les villes chères sont-elles moins attractives ?

Les villes chères sont aussi celles qui concentrent beaucoup d'opportunités. Elles ne sont pas moins attractives, au contraire. Elles gagnent des expatriés grâce à leur dynamisme économique. La Suisse connaît un net rebond économique, avec une hausse des offres d'emploi au 1er trimestre 2022 : +47 % par rapport à 2021. La main-d'œuvre qualifiée est particulièrement recherchée dans les métiers de l'informatique, de l'industrie, de l'administration, de l'ingénierie, de la santé et de la finance. L'inflation (2,9 % attendus sur l'année) pèse aussi sur la croissance suisse, revue à 1,8 % au lieu des 2,5 % attendus. Pas de quoi freiner les étrangers, toujours plus nombreux à immigrer en Suisse.

New York, 7e ville la plus chère du monde, continue d'attirer les étrangers. Le « rêve américain » reste une réalité pour beaucoup. La menace du lobby des armes, et le récent recul concernant le droit des femmes pèsent sur l'image des États-Unis, mais ne provoquent pas de départ massif d'expatriés. Au contraire. Certains entendent « changer les choses de l'intérieur ». D'autres veulent croire au sursaut démocratique. Côté économie, les États-Unis ne sont pas entrés en récession, mais subissent un « ralentissement » estime John Williams, président de la branche new-yorkaise de la FED (Banque centrale américaine). En parallèle, les secteurs sous tension recherchent des talents internationaux : ingénierie, informatique, développement durable, industrie, santé, etc.

Ce qu'il faut prendre en compte dans le projet d'expatriation

Va-t-on éviter Zurich par crainte de la vie chère ? Non, bien sûr. Les expatriés et candidats à l'expatriation ne prennent pas en compte le seul aspect financier pour arrêter leur destination. Même si le pouvoir d'achat est au centre de toutes les discussions, et peut même motiver une expatriation (envie de gagner plus), il ne constitue pas le seul critère qui arrêtera le choix de la ville. Impossible de dissocier le salaire du projet de vie global. L'expatrié rêve-t-il d'aller dans une ville particulière ? Veut-il choisir une ville réputée pour la qualité de son enseignement, de ses infrastructures, pour son dynamisme économique ? Au contraire, souhaite-t-il une ville calme, qui promeut la « slow life » et la décroissance ? A-t-il de fortes convictions écologiques ? Veut-il tout recommencer à zéro dans un pays éloigné de sa culture ? Autant de questions tout aussi importantes que celle du pouvoir d'achat et qui expliquent pourquoi les villes chères continuent d'attirer les expatriés.