Je suis en Algérie depuis quelques jours à présent et encore pour quelques semaines.
Il s'agit d'un voyage d'affaire puisque je suis en poste pour démarrer une raffinerie de sucre.
Tous les jours, je roule pendant 45 mn aller et 45 mn retour pour me rendre de mon hôtel au travail et vice versa.
Je travaille évidemment avec beaucoup d'algériens, les locaux, mais aussi avec des français, expatriés comme moi: les opinions des français sont assez tranchées sans que l'on puisse toutefois les taxer de racisme.
De ce que j'en ai vu, ce qui choque en premier lieu, c'est l'état des routes… Il y a des gendarmes couchés partout et on ne peut guère dépasser le 80 à l'heure du fait de l'état général du circuit routier. Entre trous et bosses inattendus, les suspensions souffrent à un point proche de celui de la rupture. On note un total abandon de l'entretien des routes et des trottoirs, ce qui est dommage au vu de la circulation intense qui règne dans certains quartiers.
Cela se ressent évidemment sur la manière de conduire des algériens: vous vous rappelez votre code de la route? Et bien ici, vous pouvez l'oublier… Les stops sont juste une décoration et les feux sont déjà rarement alimentés en électricité, alors quant ils marchent, personne n'en tient compte. Ici, la priorité est à celui qui ose: c'est lui qui passera. L'algérien qui conduit n'hésitera pas à s'arrêter en plein trafic pour saluer un ami ou aller acheter des cigarettes, comme il n'hésitera pas à rouler à contresens si cela peut lui permettre d'éviter une bosse ou un nid de poule. Les accidents, dans ces conditions, sont légions et selon certaines sources locales,il semblerait que l'on compte une moyenne de 150 victimes de la route par semaine, soit prés de 8000 morts par an…
L'état des voitures, souvent des véhicules qui devraient être à la casse y est évidemment aussi pour quelque chose: ici, les mécaniciens algériens font des merveilles avec des vieux tas de boues que nous aurions depuis longtemps remplacé: nécessité fait loi.
Une chose, le GPS; peu d'utilité ici; vous êtes perdu? Arrêtez vous au prochain barrage et demandez votre route, on vous aidera, c'est certain. Et comme il y a un barrage tout les deux ou trois kilomètres, ça va…
Au sujet des barrages, une originalité: si vous y passez de nuit, pensez à éteindre vos phares et allumer votre plafonnier, cela permet au militaire ou au policier de bien vous voir; c'est une demande de leur part qui est devenue une règle obligatoire sur ce territoire.
Dans tous les cas, pour votre propre sécurité et pour votre bien être, trouvez un chauffeur local: personnellement j'ai la chance que ma boite m'en a fourni un et il est simplement formidable et sympathique. Mohammed dans son petit minibus gris, euh non, plutôt à la couleur indéfinissable est prêt à tout pour les personnes qu'il transporte… Il nous a même dit sérieusement que si un jour un traquenard se présentait, il se sacrifierait pour qu'on passe.. J'espère que cela n'arrivera jamais bien sûr!
La seconde chose qui choque, ce sont les ordures abandonnées absolument partout sur les bas côtés: aucun service de ramassage ou d'élimination ne parait exister, si ce n'est une population notable de chats qui sont tous biens dodus et nourris, bien que parfaitement sauvages… Parfois, un feu prend dans le tas et les gens regarde cela brûler, tranquillement. il arrive que les tas d'ordures empiètent tellement sur les routes que, simplement, on passe par une autre rue, c'est tout: il ne semble venir l'idée à personne d'éliminer ce problème.
Evidemment, cela favorise les maladies et beaucoup d'algériens se trouvent victimes de maladies depuis longtemps oblitérées en Europe.
Enfin cela donne malheureusement une impression de saleté générale pour l'européen moyen qui oublie rapidement que dans ce pays l'eau est plus chère que l'essence: elle sert à se laver ou à boire, pas à nettoyer les rues ou les routes…
Personnellement, je comprend bien cela, ayant voyagé plus que de raison dans certaines contrées abandonnées de Dieu et des hommes…
Un détail, l'algérien est un fumeur heureux: ici on fume partout, pour nous, habitués aux diktats de certains bien pensants, cela surprend. Mais on s'y fait vite: rappelez-vous les années 70 et 80 en Europe, c'était pareil. Il ne faut pas que l'expatrié oublie que les standards de santé européens sont à éliminer ici. les algériens ont d'autres choses à penser que de s'occuper de cela.
C'est comme la protection de l'environnement: ici, cela existe sur de beaux panneaux mais dans les faits, rien n'est réellement mis en place.
La politique: on peut en parler, on en rit même, mais nous devons respecter leur mode de vie dans lequel cette activité est essentiellement un jeu de pouvoir important. Comme la religion: les algériens peuvent être exaspérants, surtout qu'ils ont du mal à penser à nous autres européens pour qui la religion passe après le travail: ici c'est l'inverse. L'employé ira prier en vous laissant en plan au beau milieu d'une tâche si c'est l'heure de la prière… Dur à appréhender pour nous mais ici, cela ne souffre aucune discussion.
Les femmes… Ah les femmes… Les algériens les aiment, c'est sûr. Ils les respectent, c'est sûr aussi. Mais attention, monsieur l'européen; brancher une algérienne, non voilée évidemment, se fera à vos risques et périls… Si celle-ci commence à dire que vous lui avez mal parlé, votre carrière ici risque de se finir rapidement. Et à vos dépens.
Venons-en à l'essentiel; le travail avec les algériens…
un grand moment pour qui ne les connait pas.
L'algérien est foncièrement un homme bon et c'est un travailleur qui, malgré l'idée que certains s'en font, ne rechigne pas à la tache. Je me suis rapidement fait des amis parmi mes collègues algériens et je sais qu'ils en me feront pas défection. Le seul problème est le niveau d'instruction; il est généralement faible et, si on a à faire avec des algériens, la compréhension n'est pas toujours au rendez-vous; Il vaut mieux s'assurer à plusieurs reprises que votre interlocuteur ait compris ce que vous attendiez de lui car sinon, vous risquez d'avoir des mauvaises surprises.
Par exemple, simplement un serveur au restaurant: il peut très bien vous amener votre plat de viande et, 20 à 30 minutes plus tard, penser à vous amener les légumes: vous en êtes déjà au dessert? Tant pis…
Le grand reproche à leur faire? Ils ne terminent que rarement ce qu'ils ont commencé… Et cela est problématique dans le cas d'une entreprise ou d'une construction neuve. Comme ils disent: « vous les européens, vous avez les montres, nous, les algériens, on a le temps »… Et puis en prime, dans leur travail: l'heure c'est l'heure: si on leur a dit de finir à 16H30, il arrêteront à l'heure pile,quelle que soit la situation: le fait que le boulot ne soit pas terminé ne les gêne en aucune façon… Débrouillez vous avec ça…
Une dernière chose mais qui a sont importance: les sanitaires…
Ce pays est terrible pour cela… Par exemple, l'entreprise pour laquelle je travaille construit un nouvel immeuble? Il n'est pas prévu de point d'eau ou de toilettes ou sanitaires… C'est un lieu de travail, point. Tu as un besoin naturel? Tu sors ou tu fais 2 km à pied jusque trouver un toilette décent aux normes européennes (assis, pas à la turque)…
Le comportement des algériens à ce niveau là est troublant: je vois ceux avec lesquels je travaille, il n'y a pas plus propre qu'eux: mais dés que l'on parle d'installations sanitaires, c'est comme si on touchait un tabou terrible que nul ne doit connaître…
Pour un européen, c'est plus que troublant; c'est même gênant.
Voila, je crois que j'ai parfois eu la dent dure mais il reste une chose à dire: les algériens sont un peuple souriant et accueillants, cela ne fait aucun doute. on voit dans les rues que les gens, s'ils sont pauvres, paraissent relativement heureux et se contentent souvent de peu.
Lorsqu'ils nous voient avec nos iphone, imac i bidules, ils nous envient mais seulement par rapport au niveau de vie que cela implique car ils ont compris que si nous nous soucions autant de matériel futiles, c'est parce que en Europe, la vie est plus propre, plus simple, plus facile: nous avons résolus depuis longtemps nos problèmes d'infrastructures.
Je confesse ici volontiers que malgré le peu que j'en ai vu, je suis un peu tombé amoureux de ce pays…
J'ai grand espoir pour eux, je suis certains qu'ils y arriveront: c'est juste une question de temps… Vous savez, nous avons les montres, ils ont le temps…
Diluc
Aïn Taya/Ouled Moussa
Algérie
Novembre 2014