D'un petit suisse à l'autre

L'Expat du mois
Publié le 2015-11-01 à 00:00 par Expat.com team
Je m'appelle Amandine, je suis française, de région parisienne. J'ai 37 ans et je suis maman de deux enfants. En France, j'étais journaliste et styliste « lifestyle » depuis plus de onze ans en presse écrite.

Comment t'est venue l'idée de t'installer en Suisse ?

Je me suis installée à Genève en famille, suite à une opportunité professionnelle de mon cher mari. On l'a suivi tous les trois !
 

Depuis combien de temps es-tu partie ? Est-ce la première fois que tu vis loin de chez toi ?

Je suis arrivée en Suisse en juillet 2013. C'était la première fois que je quittais la région où je suis née et où je vivais pour m'installer dans un autre pays. Mon mari avait déjà été expatrié en Allemagne et avait eu de nombreuses missions professionnelles dans beaucoup de pays différents, j'avais pu avoir une petite idée de ce que c'était que de vivre à l'étranger lors de mes séjours « chez lui ». A part cela, jusqu'ici mes nombreux voyages n'avaient été que touristiques.
 

Comment s'est passée l'installation ?

Pour nous installer, nous avons heureusement été aidés par une entreprise de « relocation », à la demande de l'entreprise. Trois mois avant d'emménager, nous avons donc visité 22 habitations en location et passé deux entretiens dans deux écoles en seulement deux jours ! En Suisse, si l'entreprise ne soutient pas les locataires, il est très difficile de faire accepter son dossier. Cela, ainsi que les prix des loyers et des salaires suisses, explique pourquoi beaucoup font le choix de travailler en Suisse mais vivre en France.
 

Les Suisses sont-ils accueillants ?

Les Suisses sont très polis, courtois et rendent volontiers service. L'accueil est moins latin que celui des Français, il paraît moins chaleureux. Culturellement, comme finalement dans de nombreux pays, en Suisse on ne reçoit chez soi que la famille ou les très proches et on voit les amis au restaurant. A Genève, 50% des personnes ne sont pas suisses, beaucoup de Genevois ont vécu à l'étranger donc Genève reste à part. C'est donc probablement plus facile de s'intégrer à Genève, entourés de toutes les nationalités, mais en même temps les Genevois sont - à raison - réticents à créer des liens car ils ont l'habitude de voir passer des expatriés pour seulement quelques années.

Sur les réseaux sociaux et en voiture (oui, oui) le racisme anti-français est très perceptible et cela est très difficile quand on arrive. Du jour où j'ai eu ma plaque d'immatriculation suisse, je ne me suis plus jamais fait klaxonner ! Mais avouons que l'on retrouve malheureusement ce racisme primaire en France contre les Suisses voisins. C'est surtout contre les frontaliers.
 

Qu'est-ce qui t'a le plus surpris en Suisse ?

Comme aux Etats-Unis par exemple, afficher le drapeau du pays sur un mât planté dans le jardin n'est pas choquant, bien au contraire. En Suisse, cela se fait surtout à côté des chalets plutôt qu'en ville. Mais pour la Fête Nationale début août, tout le monde arbore le drapeau, accroche aux balcons des fanions avec les blasons des cantons suisses, mange des œufs cuits rouges à croix blanche... Ce « patriotisme » n'a malheureusement pas la même signification en France.

La lenteur ou fairplay ou calme aussi, par rapport au speed parisien. Il ne faut pas arriver pressé et angoissé.
 

Quelles sont les différences les plus marquantes avec la France, ton pays d'origine ?

Les Suisses parlant français ont des mots qui leur sont propres, différents parfois entre cantons, et dont le sens n'est pas intuitif pour un Français. J'en ai d'ailleurs fait deux billets « Dictionnaire français-français » qui ont bien fait rire sur mon blog.

Les horaires aussi sont bien différents. Les Suisses commencent à travailler plus tôt, à 7h30 ou 8h il y a déjà pas mal de personnes à leur poste, ils terminent aussi plus tôt. Il en va de même pour les magasins, à la mode allemande. Les premières semaines j'arrivais au supermarché à la fermeture ! Le samedi, ça ferme encore plus tôt et le dimanche, c'est fermé. Même Ikea ! Les week-ends, même la majorité des boulangeries et des restaurants sont fermés. La semaine ça bouge énormément et le week-end c'est une vie de province (d'un point de vue de parisienne bien entendu). Le dimanche les gens restent chez eux ou partent à la montagne.

Le coût de la vie, extrêmement élevé. En France, en province, une consultation chez le pédiatre est facturée environ 25 euros, 55 ou 60 euros sur Paris, 130 ou 140 euros à Genève ! Et d'ailleurs il est très difficile d'obtenir des rendez-vous médicaux.

La dénonciation aussi. En tant que française, trouver sur son pare-brise un « avis de dénonciation » avant de recevoir la contravention est plus qu'étonnant ! Ça marche aussi pour une haie mal taillée, le tapage nocturne, les poubelles mal triées... Un sens du devoir très culturel.

La confiance ou l'honnêteté. Les journaux à disposition dans la rue, payants mais non protégés. Dans le bus, si vous n'avez pas eu le temps de prendre votre ticket mais que vous en informez le conducteur, il vous dira de le prendre en descendant à votre arrêt. La propreté dans les rues aussi. Malheureusement confiance et propreté sont de plus en plus rares à Genève, ville moins suisse et plus internationale que dans les cantons « primitifs » comme ils disent.
 

Quel est ton meilleur souvenir ?

Je n'ai pas de souvenir en particulier mais probablement lorsque j'ai fait mes premiers dîners et sorties avec des amis de Genève. S'intégrer c'est commencer à vivre dans sa nouvelle ville/vie. Et aussi les premières journées à la montagne, au ski. De Paris, c'est l'expédition. De Genève, les gens vont skier comme d'autres vont faire du foot. Les stations les plus proches se trouvent à à peine 30 minutes de voiture.
 

Est-ce qu'il y a des choses qui te manquent depuis que tu t'es installée en Suisse ?

Mes amis proches essentiellement et quelques habitudes qui allaient avec, comme le goûter avec mon amie et ses filles le vendredi après l'école.
Un peu mon chez moi, où je pouvais faire un trou dans le mur si je voulais. En Suisse, même pour casser du carrelage il faut un permis de travaux. Mon métier aussi avec tout ce qu'il comportait de relations sociales et sociables dans la Ville Lumière. Et les séances de cinéma du matin, pas chères et pratiques, il n'y en a pas à Genève et les séances sont hors de prix. Ainsi qu'une vraie bonne baguette. Il faut forcément passer la frontière pour cela !
 

La vie d'expat en Suisse, ça ressemble à quoi ?

Tout dépend si on travaille ou non. Les enfants expats prennent le car de ramassage scolaire (ou la voiture bien entendu) car les écoles sur les modèles scolaires français ou anglo-saxons ne sont généralement pas en centre-ville. Beaucoup d'expats (mais pas seulement) font leurs courses en France à cause du coût de la vie en Suisse, passent la frontière en faisant attention à ne pas dépasser les quantités autorisées ou à ne pas se faire arrêter par les douaniers. Moi, je continue de faire mes courses à pied, sur Genève, comme quand j'étais en région parisienne sauf que maintenant nous mangeons suisse et on aime ça !

A chaque rayon de soleil, hiver comme été, les nombreuses terrasses genevoises se remplissent pour un verre ou un déjeuner (le midi ici s'appelle un diner), plaids en polaire à disposition. On peut se déplacer en bus ou en tramway, mais même d'une rive à l'autre, la ville n'est pas très étendue et tout peut se faire à pied, c'est idéal pour bien connaître une ville. Et les embouteillages à Genève c'est l'enfer. Aux beaux jours, on sort du travail à pied pour aller faire de la voile sur le lac, le soir on va siroter un verre dans des lounge bars aux airs de Saint Tropez au bord de l'eau ou sur des rooftops avec vue panoramiques sur le Jura, le Lac Léman, son jet d'eau, les Alpes et le Salève. La plupart des parcs sont ouverts le soir et la nuit, les gens viennent y faire des barbecues et repartent après avoir tout nettoyé.

L'hiver, c'est direction le ski, pour une journée ou le week-end. En dehors des heures de travail, on a vite l'impression d'être en vacances. Les enfants ont du mal à rester « enfermés » chez eux. La qualité de vie est incroyable à Genève.
 

Qu'est-ce qui t'a donné envie d'écrire ce blog ?

En tant que journaliste, j'ai toujours eu envie d'écrire un blog, mais un énième blog sur l'univers de mon travail ne m'enthousiasmait pas. L'expatriation a été le déclencheur, encouragée par des amis et notamment mon amie d'enfance Clara, expatriée à New York et son très très bon blog D'une pomme à l'autre. D'où le clin d'oeil ! Je me suis dit que faire un blog me forcerait à sortir de chez moi pour découvrir un maximum de choses, de lieux, de coutumes, de découvertes et ainsi partager tout cela ainsi que mes photos et mes dessins avec ma famille, mes amis et rapidement des inconnus, sur mon blog, la page Facebook et mon compte Instagram madame_andine.
 

As-tu déjà rencontré du monde grâce à ton blog ?

J'ai rencontré des blogueuses locales et étrangères super sympathiques, des communicants charmants, j'ai renforcé des liens avec des personnes devenues de fervents lecteurs, j'ai également fait des e-rencontres, avec des blogueuses du coin ou des expatriées françaises en Suisse alémanique ou en Grande Bretagne, et des instagramers passionnés de photos comme moi. Je n'ai malheureusement pas toujours pu rencontrer en vrai tout ce petit monde de la blogosphère mais j'ai encore de l'espoir !
 

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à celles et ceux qui souhaitent aller vivre en Suisse ?

En tant que français, ne pas arriver en Suisse en conquérant ou en grand-frère. La Suisse est peut-être un petit pays, mais elle a une culture bien spécifique, très différente en fonction des régions (qui parlent tantôt allemand, en majorité, tantôt français, tantôt italien, tantôt romanche) et n'est pas sous tutelle de la France, elle n'en a pas besoin :-).

Ne pas sous-estimer les passages en douanes, du déménagement aux divers achats effectués en Europe.

Que les femmes mariées se préparent à vivre de nouveau avec leur nom de jeune fille (penser à l'inscrire sur la boîte à lettres par exemple) car c'est le seul nom qui apparaîtra sur leur permis de séjour suisse, accompagné ou non de la mention « chez Monsieur Untel-le mari », qui sera utilisé pour les assurances voiture, auprès des médecins…

Réviser ses langues étrangères, les Suisses parlent facilement plusieurs langues, souvent dans une seule conversation.

S'attendre à un coût de la vie parmi les plus chers du monde.
 

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