Indices du bonheur : mythes et réalités pour les expatriés

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Publié le 2024-04-02 à 14:00 par Natallia Slimani
Le bonheur, une quête universelle. Philosophes, économistes et, bien sûr, expatriés, tous cherchent à le définir et à l'atteindre. De nombreuses études explorent le lien entre le bonheur et le lieu de résidence. Le rapport mondial sur le bonheur des Nations unies place régulièrement les pays nordiques, comme la Finlande, en tête du classement. Cependant, le rapport annuel sur l'état mental du monde du Global Mind Project affirme que les habitants les plus heureux se trouvent en République dominicaine.

Ces deux rapports adoptent des méthodologies distinctes. Le premier se base sur des facteurs socio-économiques (PIB, espérance de vie, soutien social), tandis que le second se focalise sur la santé mentale et émotionnelle. En résulte un paradoxe : les deux pays les plus heureux du monde se situent à 8 500 km l'un de l'autre et semblent avoir peu en commun.

Déménager dans un pays « plus heureux » garantit-il réellement un bonheur personnel accru ? La question reste ouverte.

Les expatriés sont-ils heureux en Finlande, au Danemark, en Islande et en Suède ?

Dans un post sur Facebook, un expatrié a révélé que le Rapport mondial sur le bonheur des Nations unies est souvent tourné en dérision en Finlande. Les Finlandais l'utilisent même comme une manière ironique de s'encourager à se comporter comme la nation la plus heureuse du monde. Passons outre les plaisanteries et penchons-nous sur les véritables raisons du bonheur finlandais.

Le système de protection sociale scandinave en vigueur en Finlande est un élément clé du bonheur de ses habitants. Ce modèle garantit un accès à des services sociaux étendus, incluant des soins de santé de qualité, une éducation gratuite et des allocations de chômage généreuses. Ce système se traduit par un niveau de vie élevé : la Finlande affiche l'un des taux de pauvreté les plus bas du monde.

La santé des Finlandais est également au cœur de leur bonheur. L'espérance de vie y est l'une des plus élevées au monde, avec 82 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. La population bénéficie d'un système de santé de haute qualité offrant une couverture complète.

L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est une valeur fondamentale en Finlande. Le pays rejette la culture du travail à outrance et encourage un épanouissement personnel holistique. La plupart des entreprises adoptent des horaires de travail flexibles et accordent des congés parentaux généreux.

Sur Reddit, un expatrié raconte son expérience. Après avoir quitté l'Arabie saoudite pour la Finlande, il a découvert les raisons qui font de ce pays le plus heureux du monde. Il explique que, malgré un salaire plus élevé en Arabie saoudite, la Finlande lui offre une vie bien plus riche en termes de sécurité, d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, d'éducation gratuite et de sentiment d'appartenance à une communauté soudée.

Si la Finlande excelle dans le domaine du bonheur et du bien-être, il ne faut pas négliger certains aspects moins reluisants de la vie dans le pays. Le climat froid et souvent maussade est un frein pour nombre d'expatriés, qui soulignent son impact sur leur humeur. Certains vont même jusqu'à établir un lien entre le manque de soleil et les sentiments de dépression observés chez les habitants.

Les explications des expatriés sur leur bonheur dans les autres pays nordiques en tête du classement, comme le Danemark, s'avèrent similaires, comme l'explique un expatrié sur Reddit : « On dit souvent que nous ne sommes pas le pays le plus heureux du monde. Nous sommes simplement les plus satisfaits. Notre modèle social offre de nombreux filets de sécurité qui nous protègent des soucis quotidiens. Cette certitude nous permet de vivre une vie stable et d'accéder à un type de ‘bonheur' unique, absent dans la plupart des autres pays. »

Les expatriés sont-ils heureux en République dominicaine, au Sri Lanka et en Tanzanie ?

Deux univers s'opposent. En République dominicaine, nous avons un climat chaud, des plages paradisiaques et un coût de la vie abordable attirent les âmes aventureuses. En Finlande, un système de sécurité sociale développé, qui rassure les expatriés. 

La République dominicaine offre à ses habitants un climat tropical avec des températures chaudes toute l'année, ce qui est particulièrement attrayant pour les expatriés venant de régions plus froides. Dans l'ensemble, le coût de la vie en République dominicaine est nettement inférieur à celui de la plupart des pays occidentaux. En conséquence, loyers sont moins chers, les soins de santé sont abordables et les prix des produits de première nécessité sont moins élevés.

La République dominicaine est réputée pour sa beauté naturelle, avec certaines des plus belles plages des Caraïbes. Les amoureux de la nature peuvent également explorer les montagnes, les cascades et les forêts sur des sentiers de randonnée pittoresques. 

La communauté d'expatriés est relativement importante et accueillante en République dominicaine, ce qui facilite l'adaptation des nouveaux arrivants et la constitution d'un réseau. De plus, les habitants sont réputés pour leur gentillesse et leur hospitalité.

Un expatrié, qui a vécu en République dominicaine pendant trois ans, raconte : « Les Dominicains sont parmi les personnes les plus amicales que j'aie jamais rencontrées. Je me suis fait beaucoup de bons amis et les gens m'ont beaucoup aidé lorsque j'essayais de me débrouiller à mon arrivée ». 

Autre avantage : la République dominicaine est proche des États-Unis et du Canada, ce qui facilite les déplacements des expatriés de ces pays. 

Si l'expatriation en République dominicaine présente de nombreux avantages, elle n'est pas exempte de difficultés. 

La République dominicaine a un taux de criminalité relativement élevé, obligeant les expatriés à faire preuve de vigilance et à prendre de nombreuses précautions. Les infrastructures (routes, transports publics et services publics) peuvent également être moins fiables que celles auxquelles ils sont habitués. Internet et l'électricité peuvent être irréguliers, en particulier en dehors des zones urbaines. De plus, les soins de santé dans les zones reculées peuvent également être limités.

Vincent est né en République dominicaine, mais il s'est ensuite installé en Chine, avant de parcourir une grande partie du monde. « Personnellement, je ne crois pas aux sondages sur le bonheur. Je pense que le bonheur est une question très personnelle et subjective. J'étais heureux en République dominicaine, bien sûr.  Suis-je heureux aujourd'hui, à 12 heures de vol de là ? Bien sûr. Mais je comprends pourquoi la République dominicaine pourrait être une nation heureuse. Nous avons le soleil, la mer, et notre peuple est très décontracté ».

Le Sri Lanka et la Tanzanie partagent la même histoire que la République dominicaine. Il s'agit de pays dotés d'une beauté exceptionnelle, aux habitants accueillants et au coût de la vie relativement bas. Les expatriés considèrent la nature, les gens et la culture comme les principaux avantages de la vie dans ces contrées. 

Robert est venu pour la première fois à Zanzibar pour des vacances en 2012, mais les îles ont gagné son cœur. En 2018, il s'est installé à plein temps en Tanzanie pour travailler comme instructeur de plongée et vit depuis dans le pays. « Je dirais que la Tanzanie peut certainement ‘se sentir' comme l'endroit le plus heureux de la planète, surtout si vous êtes un expatrié avec un emploi bien rémunéré et un bon ensemble d'avantages. Mais il serait irresponsable de dire que c'est le cas pour tout le monde. Beaucoup de gens ici savent comment être heureux avec moins ».

La République dominicaine, le Sri Lanka et la Tanzanie sont-ils vraiment les pays les plus heureux du monde ?

Quelle enquête donne donc une image plus précise du bonheur ? Ironiquement, la réponse est : aucune.

Les enquêtes sur le bonheur font l'objet de discussions et de débats enflammés. Leurs résultats ne sont pas anodins et peuvent influencer considérablement les politiques publiques. En témoigne l'ambition du Royaume-Uni de remplacer le PIB par l'indice du bonheur national brut. Toutefois, Tim Bond, professeur agrégé d'économie à Krannert et membre du centre de recherche en économie de l'université de Purdue, juge cette initiative prématurée.

L'article « The Sad Truth About Happiness Scales » (La triste vérité sur les échelles de bonheur), publié dans le Journal of Political Economy, approfondit l'idée et aboutit à une conclusion troublante : il est fondamentalement impossible de tirer des conclusions claires à partir des enquêtes sur le bonheur. Il est vital de comprendre ces limites lorsqu'on envisage d'utiliser les résultats de telles enquêtes pour élaborer ou évaluer des politiques. Cela peut également s'avérer risqué de décider de s'expatrier en se basant uniquement sur ces résultats, ou des résultats similaires, même si c'est tentant.

La conclusion la plus sûre serait la suivante : le bonheur est subjectif. Bien que les enquêtes sur le bonheur puissent aider à pointer et analyser les indicateurs de bien-être, il est peu probable qu'elles fournissent des résultats précis. De nombreux facteurs influent sur le bien-être émotionnel, ce qui rend difficile de s'y fier entièrement.

Et où se trouve votre pays de résidence actuel sur l'échelle du bonheur ? Êtes-vous d'accord avec ce classement ?