S'expatrier avec une maladie ou en situation de handicap : est-ce possible ?

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Publié le 2024-03-19 à 10:00 par Asaël Häzaq
De plus en plus de villes prennent des mesures pour être plus accessibles. Infrastructures, signalétiques, marquages spécifiques sont pensés pour permettre la circulation de tous. L'expatriation devrait en effet pouvoir s'envisager, que l'on ait une maladie, un handicap, ou non. Mais qu'en est-il dans les faits ? Les premiers obstacles ne se trouvent pas toujours là où on les imagine. Avant même de penser à l'accessibilité des villes, des contraintes administratives rendent plus difficile l'expatriation des voyageurs en situation de handicap ou ayant une pathologie. Décryptage.

Expatriation et « exigence de santé » : le cas australien

Les règles sont-elles les mêmes pour tous en matière d'expatriation ? Lorsqu'une policière britannique répond à une campagne de recrutement du gouvernement de l'Australie-Occidentale, elle n'imagine pas que sa demande de visa sera rejetée. Expérimentée, elle coche toutes les cases demandées par le gouvernement australien. Elle est pourtant forcée de retirer sa candidature. La cause : le handicap de l'un de ses enfants. L'enfant, une petite fille atteinte de trisomie 21, menait pourtant une scolarité classique au Royaume-Uni, et avait la vie sociale de n'importe quel enfant. Le gouvernement australien maintient sa position.

L'administration semble entretenir le flou ; difficile de trouver des informations claires sur l'expatriation et le handicap. La policière finit par consulter un spécialiste en immigration, qui confirme qu'il lui sera presque impossible d'immigrer en Australie, à cause du handicap de sa fille. Une pratique que l'on peut juger discriminatoire, mais qui est néanmoins permise par la loi australienne. Il s'agit justement d'une exemption à la loi sur la migration. L'Australie dispose pourtant de lois sur la discrimination à l'encontre des personnes handicapées… Un paradoxe et un manque de clarté qui nuit aux candidats à l'expatriation. Ces derniers dépensent parfois des milliers de dollars pour voir leur demande de visa annulée dans la dernière ligne droite.

La visite médicale est décisive. En effet, l'État australien apprécie la situation du demandeur en fonction de « l'exigence de santé ». Selon cette « exigence », si les frais médicaux dépassent 51 000 USD durant toute la durée du visa (10 ans, pour une résidence permanente), la demande sera rejetée. La pratique, jugée désuète par les critiques, embarrasse le gouvernement d'Australie-Occidentale. Car ledit gouvernement a voté une loi promouvant l'égalité des chances. Refuser une demande de visa au seul motif que l'enfant du demandeur est handicapé pourrait aller à l'encontre de la loi.

Expatriation et handicap : le parcours du combattant

Il convient tout d'abord de rappeler que le handicap ou la maladie ne sont pas en soi des obstacles à l'expatriation. Il faut prendre en compte les contraintes liées à chaque situation pour anticiper au mieux ses besoins, en fonction du pays d'expatriation choisi. On pense bien sûr aux transports, aux logements adaptés, à l'accessibilité des magasins, des administrations et autres organismes, ou encore, à la protection sociale. Mais avant même d'imaginer la nouvelle vie dans le pays d'accueil, c'est à l'administration qu'il faudrait faire face. Le cas australien n'est pas une affaire isolée, et reflète les nombreuses embûches qui se dressent sur le chemin de certains candidats à l'expatriation.

L'exemple du Canada : favoriser l'immigration des personnes handicapées

Les États favorisent l'immigration économique. Ils privilégient l'immigration des jeunes actifs, en bonne santé, opérationnels pour le travail. Tout se joue dans l'appréciation que les administrations font de la « bonne santé ». Le Canada, par exemple, accueille en principe tous les immigrants, ayant ou non un handicap, ou venant avec un membre de la famille handicapé ou non. Mais en pratique, c'est lors de la visite médicale que tout se joue. Entre ici en jeu la notion de « fardeau excessif » pour le pays. Si l'État canadien juge que la personne constituera un « fardeau » pour son système de santé ou ses services sociaux, il pourra refuser la demande d'immigration. Là encore, la pratique est discriminatoire, mais permise par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Pour déterminer si la personne constituera un « fardeau excessif », l'administration canadienne établit un calcul « coût-bénéfice » basé sur tous les renseignements fournis par le demandeur : tests médicaux, rapports des médecins, traitements antérieurs, antécédents médicaux… Contrairement à la pratique du gouvernement d'Australie-Occidentale, le Canada n'impose pas de seuil, mais étudie chaque demande au cas par cas. Cela n'enlève pas la controverse. Le gouvernement canadien lui-même a admis que la pratique était discriminatoire et devait être corrigée.

L'administration canadienne insiste pour préciser que le « fardeau excessif » est bien un critère légal, mais reste un critère parmi d'autres. Les services étudient tout aussi scrupuleusement le niveau linguistique ou la capacité financière. Le critère du « fardeau excessif » n'empêche donc pas l'immigration des personnes en situation de maladie ou de handicap. Au contraire, le Canada s'engage à favoriser l'immigration des personnes en situation de handicap, notamment via plusieurs programmes d'accès à l'emploi.

S'expatrier en situation de maladie/de handicap : les conseils

Il reste bien entendu possible de s'expatrier même si l'on a une pathologie ou un handicap. Voyager est un droit accessible à tous et doit le rester. La maladie ou le handicap obligent cependant à davantage d'anticipation et de préparation. Dans les deux cas, la première chose à faire est de vérifier auprès de son médecin que l'invalidité permet de voyager dans le pays choisi. La pathologie nécessite-t-elle un traitement de longue durée ? Devra-t-on se rendre à l'hôpital ? À quelle fréquence ?

Si le candidat à l'expatriation ou une personne à charge perçoit une aide de l'État soumise à une obligation de résidence sur le territoire, celle-ci pourra être suspendue durant la durée de l'expatriation. Mais il existe des exceptions, par exemple, dans le cadre d'une expatriation pour poursuivre ses études, suivre une formation professionnelle ou apprendre une langue étrangère. Là encore, il faut se renseigner auprès de l'organisme délivrant l'aide (souvent, la Sécurité sociale) pour vérifier si les aides perçues seront suspendues ou non. De même, l'on peut aussi se renseigner sur les éventuelles aides dont on pourrait bénéficier dans le pays d'accueil. Concernant la scolarité, il faut au préalable s'assurer que l'enfant bénéficiant d'un accompagnement spécifique puisse retrouver le même accompagnement, sinon un équivalent, dans le pays d'accueil.

Liens utiles :

Disability Rights Education and Defense Fund (DREF) – international laws

Convention on the Rights of Persons with Disabilities (CRPD)

Abilities.com : the resource for the disability community

Disability:In, nonprofit resource for business disability inclusion worldwide

SG Enable : dosability and inclusion in Singapore

France : voyager à l'étranger avec un handicap

Accessible Japan

Japan Organization for Employment of the Eldery, Persons with Disabilities and Job Seekers (JEED)

Council of Canadians with Disabilities

Canadian Disability Foundation