Crise immobilière : quand le logement devient un obstacle à l'expatriation

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Publié le 2023-09-05 à 10:00 par Asaël Häzaq
La crise du logement aura-t-elle raison des stratégies des grands pays d'immigration ? L'inflation fait exploser toutes les dépenses ; les loyers n'y échappent pas. Toujours plus chers, pour peu de logements disponibles. Une situation qui pourrait peut-être bénéficier à d'autres pays, qui tentent eux aussi d'attirer les expatriés.

Crise du logement et expatriation

Au Canada, terre historique d'immigration, les logements sortent de terre, mais lentement. Il faudrait 3,5 millions de nouveaux logements supplémentaires pour que le pays sorte de crise d'ici 2030. Au rythme des chantiers actuels, la mission s'annonce impossible. Au Royaume-Uni, la crise du logement plombe les recrutements. Depuis 2022, le pays est secoué par des mouvements sociaux et manifestations. L'agacement monte, alors que le salaire disparaît dans le logement. Une mauvaise pub pour un pays encore marqué par les conséquences de la Covid et le durcissement de sa politique migratoire.

Ça coince aussi en Australie, autre État plébiscité par les expatriés, qu'ils soient professionnels ou étudiants. Là aussi, la crise du logement force le gouvernement à prendre de nouvelles décisions. Le Premier ministre Anthony Albanese vient ainsi d'annoncer la création de primes pour les États qui construiront plus de logements neufs que le nombre demandé. La prime pourra atteindre 3 millions de dollars australiens. Le gouvernement espère que cette prime motivera assez pour faire sortir de nouveaux logements de terre. L'Australie a besoin de 1,2 million de nouveaux logements d'ici 5 ans. Il y a urgence, car la crise du logement fait flamber les loyers et pousse de nombreux locataires vers la précarité. Les étudiants étrangers peuvent être particulièrement vulnérables, d'autant plus que dans le même temps, leurs frais de scolarité augmentent.

Situation tout aussi tendue en France ou aux États-Unis, avec des logements toujours plus petits, et chers. Une pression supplémentaire sur les étudiants et travailleurs étrangers. Le contexte inflationniste accentue la pression et fait exploser les dépenses. De quoi changer les projets d'expatriation ? Alors que certains États ploient sous la crise du logement, d'autres comptent bien en profiter pour recruter des talents étrangers. Portraits croisés du Canada et de la Corée du Sud.

Pénurie de logements au Canada

Plafonner les visas étudiants pour répondre à la crise du logement ? C'est la solution radicale qu'envisage le Canada. Empêtré dans une crise du logement qui ne cesse de prendre de l'ampleur, le gouvernement est sous pression. Certains experts s'interrogent : et si le problème venait (en partie) de la pénurie de logements et de la croissance démographique trop rapide ? Alors que le nombre de chantiers baisse, le nombre d'habitants, lui, augmente, notamment celui des expatriés. Selon les chiffres officiels, plus de 800 000 visas étudiants étaient actifs en 2022.

Selon les économistes de la Banque Nationale du Canada, le pays comptait 204 000 personnes en âge de travailler au premier trimestre 2023. Mais sur la même période, on a compté que 57 000 nouveaux logements dans l'ensemble du territoire. Loin de s'accélérer, les mises en chantier ralentissent. En juin 2023, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) parle d'une baisse de 23 % (par rapport au mois d'avril). D'importants ralentissements de chantier s'observent à Vancouver (-45%), à Montréal (-35%), ou à Toronto (-28%), soit, des villes prisées par les expatriés.

Soutenir l'immigration, soutenir l'économie

Pour Sean Fraser, ancien ministre de l'Immigration, désormais ministre du Logement depuis le récent remaniement Trudeau en juillet dernier, la « forte augmentation du nombre d'étudiants » exerce bien une « pression sur certains marchés immobiliers ». Il précise néanmoins que le plafonnement du nombre de visas étudiants n'est que l'une des solutions envisagées. Face à l'opposition, Fraser rappelle que le plan d'immigration (accueillir 485 000 nouveaux résidents permanents en 2024 et 500 000 en 2025) reste d'actualité. Limiter ce nombre ne résoudra pas la crise du logement.

Car dans le même temps, le marché immobilier reprend, en partie grâce à l'accélération de la croissance démographique, et donc, à l'immigration. Avec de nombreux secteurs frappés par la pénurie, le Canada manque toujours de main-d'œuvre. D'où le maintien de sa politique d'immigration pour attirer et surtout retenir les expatriés. Les ventes de logements enregistrent une nouvelle hausse, avec +5,1 % depuis avril. Entre mai 2022 et mai 2023, les ventes remontaient déjà à +1,4 %. Mais l'augmentation des taux d'intérêt fait grimper les prix et compresse les budgets d'habitants déjà touchés par la crise économique. Voilà une autre face de la crise du logement, et un défi supplémentaire pour le gouvernement.

Corée du Sud, futur bastion des étudiants étrangers ?

Avis aux candidats à l'expatriation en Corée du Sud. L'État lance Study Korea 300K Project, vaste plan visant à attirer 300 000 étudiants étrangers d'ici 2027. Il y a urgence pour l'État, confronté au déclin démographique et à ses conséquences : moins de jeunes, moins d'étudiants, moins de diplômés, moins de travailleurs. Le Study Korea 300K Project apportera des talents étrangers disponibles rapidement ; autant de travailleurs qualifiés dont la Corée du Sud aura besoin. La Corée du Sud bataille avec le Japon et Taiwan, concurrents directs confrontés eux aussi à un manque de talents étrangers et à une baisse démographique. Le Japon a d'ailleurs lancé un plan comparable à celui de la Corée du Sud. Tokyo espère attirer 400 000 étudiants étrangers d'ici 2033.

Pour se démarquer, la Corée du Sud peut compter sur la puissance de son soft power. Le pays compte aussi profiter de l'engorgement sur les terres traditionnelles d'expatriation pour les étudiants – le Canada en tête. Si ça coince pour les grands pays d'immigration, les portes sont grandes ouvertes en Corée du Sud.

Le message du gouvernement sud-coréen est passé. Les inscriptions internationales sont en hausse : +17,6 % entre juin 2022 et juin 2023. On comptait 207 125 nouvelles inscriptions en juin 2023. Le gouvernement approche des 300 000, mais vise beaucoup plus loin. Selon le ministre de l'Éducation et vice-premier ministre Ju-ho, les étudiants internationaux pourront « aider la Corée du Sud à devenir l'une des 10 premières destinations d'études d'ici 2027 ».

Le Study Korea 300K Project vise à hisser la Corée du Sud au rang des 10 premières destinations d'études à l'étranger au monde, d'ici 2027.

Stratégie sud-coréenne pour attirer les expatriés

Le gouvernement sud-coréen prévoit quelques aménagements. Le quota de bourses gouvernementales (Global Korea Scholarships) sera élargi, avec des bourses spéciales pour les étrangers étudiant dans le domaine des sciences, technologies, ingénierie et informatique (STEM). Les étrangers partant étudier hors de Séoul seraient aussi avantagés. D'autres augmentations des bourses viseront des pays spécifiques, comme la Pologne et les Émirats arabes unis (pour les étudiants dans les technologies nucléaires et la défense). L'Inde et le Pakistan seront les nouveaux pays privilégiés pour recruter des étudiants en STEM ; Séoul entend ici réduire sa dépendance à la Chine, au Vietnam et à l'Ouzbékistan. De plus, 6000 seront réservés aux étrangers n'étudiant pas en STEM.

Pour attirer et surtout faire rester les étudiants étrangers après l'obtention de leur diplôme, le gouvernement sud-coréen envisage d'accélérer les demandes de résidence permanente. Pour l'instant, les étudiants doivent patienter 6 ans avant d'obtenir la résidence permanente. Le temps d'attente serait réduit à 3 ans avec le nouveau plan gouvernemental.

Concernant le niveau de langue requis, les avis divergent. Le gouvernement pense abaisser le niveau du Topik, examen de coréen nécessaire pour entrer à l'université. Un niveau 3 (intermédiaire de base) pourrait désormais convenir, contre un niveau 4 (intermédiaire renforcé) demandé actuellement. Montée au créneau de certains responsables universitaires, pour qui baisser le niveau n'a pas de sens. Ils évoquent des difficultés justement dues à un niveau de coréen trop bas (malgré le niveau 4 exigé, donc). L'anglais serait également lacunaire. Nombre de candidatures d'étudiants étrangers seraient ainsi refusées, faute de maîtrise suffisante de la langue.

Parmi les autres mesures favorables aux étudiants étrangers, le gouvernement entend diminuer le seuil bancaire minimum exigé pour le visa, et augmenter le nombre d'heures de travail autorisées durant les études à 25 heures par semaine, contre 20 actuellement.