La vérité sur les salaires des expatriés

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Publié le 2023-08-04 à 14:00 par Asaël Häzaq
C'est une idée reçue qui circule encore beaucoup. Les expatriés seraient avantagés par rapport aux autres travailleurs. Leurs salaires seraient plus élevés, leurs conditions de travail, meilleures. Derrière ces idées reçues, une vision de la vie d'expat encore très idéalisée. La vérité est cependant moins idyllique que le décor de carte postale. Décryptage.

Expatriation : les pays offrant les salaires les plus attractifs

On vante souvent les pays proposant les salaires les plus attractifs. Dans son rapport sur les salaires moyens de 2022, l'OCDE classe l'Islande pays le plus attractif (des membres de l'OCDE). Avec en moyenne 79 473 USD annuels, l'Islande est en effet le pays qui paie le mieux. Le Luxembourg et les États-Unis le suivent de peu, avec respectivement 78 310 et 77 463 USD. La Suisse et ses 72 993 USD annuels arrivent au pied du podium. Le Canada est 10e (59 050 USD), la France, 15e (52 764 USD), juste sous la moyenne des pays de l'OCDE (53 416 USD). Les pays favoris des expatriés sont aussi ceux qui paient le mieux. Outre le Canada, les États-Unis ou la Suisse, l'Australie (9e), l'Allemagne (11e), le Royaume-Uni (12e), la Norvège (13e), ou encore la Nouvelle-Zélande (18e) proposent des salaires annuels moyens supérieurs à 50 000 USD par an (50 722 USD pour la Nouvelle-Zélande).

Bien sûr, il convient d'insister sur la notion de « moyenne ». Au sein d'un même État, les salaires varient en fonction du secteur d'activité, de l'expérience, du poste occupé, des éventuelles primes, etc. De plus, un salaire, même élevé, peut être englouti sous les dépenses indispensables à la vie dans le pays d'accueil. Tout d'abord, il faut distinguer le salaire brut du salaire net. Il faut aussi calculer le salaire réel. On le définit comme la part de richesse revenant aux salariés. Il correspond plus ou moins au pouvoir d'achat (estimation de l'argent nécessaire pour pouvoir se procurer des biens et services).

Ce qui se cache derrière les salaires

Si l'emploi a peu ou prou retrouvé son niveau d'avant Covid, l'inflation continue de plomber les salaires. Résultat : une baisse des salaires réels dans presque tous les pays de l'OCDE. L'institution fait ses comptes et compare les salaires réels entre le 1er trimestre 2022 et le 1er trimestre 2023. En Islande, les salaires réels baissent de 2,9 %. La baisse est moins importante au Luxembourg et aux États-Unis (respectivement -0,8 et 0,7%). Elle est plus importante en Suisse (-1,4%). Les salaires réels canadiens baissent de 2 %; les salaires réels français, de 1,8 %. Mais c'est en Hongrie que l'on enregistre la plus forte baisse, avec 15,6 %. Seuls quelques pays enregistrent une légère progression : les Pays-Bas (+0,4%), Israël (+0,6%), le Costa Rica (+1,7%) et la Belgique (+2,9%).

Car à côté du salaire se trouvent toutes les charges à honorer : loyer, impôts, électricité, eau, gaz, alimentation, carburant, assurance auto, frais médicaux et assurance santé, transports… Autant de frais en augmentation depuis la crise inflationniste.

Salaires grignotés par la crise : exemple du logement

Les États-Unis, Canada, Allemagne, Suède, France… la crise du logement continue pour de nombreux États. Certaines régions françaises, comme la région lyonnaise, deviennent inaccessibles même avec une situation stable (CDI) et un bon revenu. Les États-Unis s'embourbent dans une crise du logement où les biens se font rares et où les prix flambent. En 2022, le site Bloomberg classe New York ville la plus chère des États-Unis. San José, Miami, San Diego, Los Angeles, Boston et Washington rejoignent également le top des villes les plus chères.

L'Allemagne vit une situation « dramatique » pour reprendre les mots du président de l'association des locataires ; 700 000 logements manquent dans le pays. Le gouvernement entendait en construire 400 000 par an, mais l'objectif est loin d'être atteint. Les taux d'intérêt flambent, compliquant un peu plus l'obtention d'un crédit. Au Canada, la crise est telle que le gouvernement a suspendu l'achat de biens immobiliers par les étrangers. En vigueur depuis le 1er janvier, la mesure est mise en place pour 2 ans. Les étrangers devront attendre d'être résidents permanents pour devenir propriétaires.

Autres crises, autres charges qui pèsent sur les salaires

L'exemple du logement s'entend à des degrés divers dans d'autres secteurs. Le Royaume-Uni n'est toujours pas sorti de sa crise énergétique. La flambée des factures expose les habitants à d'importantes difficultés financières. Les revenus stables ne suffisent pas toujours à garantir de bonnes conditions de vie. Au Japon, on pense à relancer le nucléaire pour faire face à la crise énergétique. 12 ans après le drame de Fukushima, le gouvernement Kishida s'appuie sur de récents sondages (51 % de la population serait pour la relance du nucléaire) pour rallumer plusieurs réacteurs.

La vie à l'étranger impose aussi de s'assurer : assurance santé, assurance habitation, assurance auto... Concernant la santé, sa situation peut imposer l'adhésion à une assurance privée, en plus de l'assurance locale à laquelle on est affilié en tant que travailleur étranger. Ce sont autant de charges qui font baisser le salaire réel. On constate que les pays proposant des salaires attractifs sont aussi ceux abritant les villes les plus chères du monde. En 2023, le rapport Mercer classe Zurich, Genève et Bâle villes les plus chères pour les expatriés (respectivement 3e, 4e et 5e). New York est la 6e ville la plus chère pour les expats, devant Berne, Tel-Aviv et Copenhague.

Pour bien préparer son budget expatriation, il ne faut pas se laisser impressionner par la promesse d'un salaire élevé. Car un monde peut séparer ce que l'on gagne de ce qu'il reste à la fin du mois. L'idéal est de se renseigner sur le coût de la vie dans la ville d'expatriation. Niveaux des loyers, pression fiscale, alimentation, assurances, etc. C'est au regard de toutes ces charges que l'on pourra apprécier l'attractivité réelle du salaire.