L'Italie envisage de durcir sa législation sur la gestation pour autrui : à quoi faut-il s'attendre ?

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Publié le 2023-08-02 à 10:00 par Asaël Häzaq
L'Italie, qui détient déjà l'une des lois les plus sévères en matière de gestation pour autrui, prend un nouveau virage. Faut-il y voir un signal, et faut-il craindre un tour de vis concernant la parentalité ou le droit à l'avortement ? Qu'en est-il dans les autres pays ?

Gestation pour autrui : l'Italie serre la vis

Fratelli d'Italia (FDI), le parti d'extrême droite de Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement italien entend renforcer sa politique contre la gestation pour autrui. Mercredi 26 juillet, les députés italiens ont donc voté un projet de loi qui durcit l'interdiction de la gestation pour autrui (GPA). Déjà interdite sur le sol italien (le projet étend en fait une loi de 2004), elle deviendrait aussi illégale à l'étranger. Le texte doit encore attendre d'être validé par le Sénat. Mais s'il est adopté, il rendrait illégal le recours à une mère porteuse à l'étranger. Les Italiens qui enfreindraient la loi s'exposeraient à des poursuites judiciaires, même en ayant eu recours à la GPA dans un pays qui l'autorise.

En interdisant la gestation pour autrui à l'étranger, l'Italie s'attaque-t-elle à la communauté LGBT+ ? C'est le sentiment des personnes concernées, qui voient dans cette mesure, une manière de les empêcher de devenir parents. D'autres soulignent que nombre de couples hétérosexuels ne pouvant pas avoir d'enfants passent par la GPA. Dans les deux cas, l'inquiétude monte. L'Italie possède déjà l'une des lois les plus sévères d'Europe contre la gestation pour autrui. Actuellement, toute personne qui « réalise, organise ou fait connaître » la GPA sur le territoire italien encourt 3 mois à 2 ans de prison et une amende pouvant aller de 600 000 à 1 million d'euros.

Parentalité, droit à l'avortement, faut-il s'inquiéter ?

En juin, le parquet de Padoue (au nord de l'Italie) remettait en cause les actes de naissance d'enfant ayant deux mères. Au total, une trentaine d'actes a été contestée. Ces enfants étaient conçus à l'étranger via fécondation hétérologue (avec le sperme d'un donneur). L'Italie autorise la pratique, mais seulement pour les couples hétérosexuels. Les décisions du parquet de Padoue n'enregistrent qu'un seul parent, le parent biologique, comme ayant l'autorité parentale. L'Italie n'a encore aucune loi reconnaissant les parents de même sexe. Chaque région applique sa propre interprétation. Concernant la GPA, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que le parent non biologique devait adopter l'enfant pour être reconnu. Sous l'insistance du ministre de l'Intérieur Matteo Piantedosi, membre de l'extrême droite, la mesure est devenue règle pour un nombre croissant de communes. Elles ont également reçu ordre de cesser l'enregistrement des familles homoparentales, y compris de celles n'ayant pas fait de GPA.

Doit-on craindre pour le droit à l'avortement ? L'élection de Giorgia Meloni avait suscité l'inquiétude, malgré l'engagement de la cheffe d'État de ne pas toucher à la loi sur l'avortement. Mais si l'IVG est légale en Italie depuis 1978, elle serait peu appliquée, selon Irene Donadio, responsable du plaidoyer au sein de la branche européenne de la Fédération internationale du planning familial (IPPF-EN). Problème : une majorité de médecins refuse de pratiquer l'IVG. En 2020, 64,6 % des gynécologues ont refusé de pratiquer l'avortement. C'est à peine mieux pour les autres professions concernées : 44,6 % des anesthésistes et 36,2 % du personnel paramédical opposaient leur « objection de confiance ».

GPA, IVG… les positions des autres pays

En France, la loi sur la bioéthique, adoptée en 2021, a soulevé des débats. Fallait-il autoriser le droit à la GPA ? Les divers organismes auditionnés se montraient partagés, de même que l'opinion publique. Car la GPA soulève des problèmes éthiques. Pour certains, il s'agit d'une marchandisation du corps de la femme et de l'enfant, surtout s'il y a rémunération. Mais même en l'absence de rémunération, impossible pour eux de considérer la GPA comme un travail ordinaire. D'autres recommandent une GPA « dans certains cas », du moins, une réflexion plus longue sur la question. Le gouvernement français a finalement tranché : la GPA reste interdite. D'autres pays, comme l'Allemagne, l'Espagne ou le Luxembourg, interdisent la GPA. À l'inverse, le Canada, certains États américains, les Pays-Bas, la Grèce, le Danemark ou l'Inde autorisent d'avoir recours à une mère porteuse.

Gestation pour autrui : le cas belge

En 2021, une proposition de loi en faveur de la GPA est déposée, sans obtenir de consensus. Le dossier revient sur la table, alors que le Comité belge de bioéthique se montre désormais favorable à une loi légalisant la gestation pour autrui. La position de la Belgique est singulière. Depuis plus de 20 ans, 3 centres pratiquent la GPA dans des conditions très strictes, et selon de nombreux critères : GPA « de confort » interdites, obligation de bien connaître la mère porteuse (sœur, amie…), pas de rémunération… L'Hôpital universitaire de Gand est ouvert aux couples homosexuels (depuis 2011). Le CHU Saint-Pierre de Bruxelles et le CHR de la Citadelle de Liège autorisent la GPA aux couples étrangers. Les centres profitent de l'absence de cadre légal pour exister, sans aucune dérive constatée, selon leurs conclusions. Le Comité belge de bioéthique veut désormais créer un cadre légal, pour protéger toutes les parties impliquées.

Le droit à l'interruption volontaire de grossesse est-il menacé ?

La colère n'est pas retombée. Il y a un peu plus d'un an, la Cour suprême annulait l'arrêt fédéral Roe vs Wade, qui garantissait le droit à l'avortement dans tout le pays. Depuis, chaque État fixe sa politique en matière d'IVG. Plus d'une dizaine d'États ont prononcé une interdiction totale. Seule une poignée (Alaska, Kansas, Iowa, Virginie…) a maintenu une autorisation de l'IVG. Autorisation aussi chez la majorité des pays européens. Mais l'encadrement est plus strict dans de nombreux pays, quand la pratique n'est pas tout simplement interdite (Suriname, Madagascar, Égypte...). Le Brésil, le Chili, la Libye ou le Gabon autorisent l'IVG en cas de danger pour la vie de la mère. Le Japon, la Finlande, l'Inde et la Grande-Bretagne n'autorisent l'IVG que pour des raisons « socio-économiques ».

En juin 2023, Malte est passée de l'interdiction totale à une première autorisation, mais sous conditions très strictes : en cas de menace pour la vie de la mère et de fœtus non viable (s'il ne peut pas survivre en dehors de l'utérus). Malte était jusqu'alors le seul État européen où l'avortement était illégal. Mais sa loi est une déception pour les défenseurs de l'IVG.

Pour certains, l'IVG est menacée. Car même dans les pays l'autorisant, le refus des médecins et/ou le manque de moyens peuvent compliquer le parcours des femmes. En Italie, par exemple, les « objections de conscience » sont monnaie courante. Même phénomène en Hongrie, qui a de nouveau durci sa loi IVG en septembre 2022. L'IVG y est pourtant autorisée depuis 1952. Des changements qui augmentent la vigilance des associations internationales, pour qui ces droits sont avant tout des droits humains.