Quelles sont les villes les plus chères en Afrique pour les expatriés ?

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Publié le 2022-10-28 à 10:00 par Asaël Häzaq
L'inflation continue d'impacter les économies du monde. Hausse du coût des matières premières, flambée des prix de l'immobilier, hausse des inégalités... Plus tôt cette année, le cabinet Mercer publie son 28e classement des villes africaines les plus chères pour les expatriés, avec des résultats pas très encourageants. Voici quelques témoignages de la communauté d'Expat.com sur le coût de la vie en Afrique.                

Une vie toujours plus chère

Très chère Bangui. La capitale de la République centrafricaine (Centrafrique, RCA) arrive première au classement Mercer. Elle prend la place de Ndjamena, capitale du Tchad (le Tchad est 13e cette année). Une position que les locaux et expatriés de Centrafrique sont loin de saluer. Le pays entre dans un nouvel épisode d'instabilité politique avec un président déterminé à rester au pouvoir. Déterminée à faire respecter le droit, Danièle Darlan, présidente de la Cour constitutionnelle, s'oppose à la réforme voulue par le président. Une guerre ouverte qui ne laisse personne indifférent. Cette crise s'ajoute à celle que traverse le pays depuis la Covid. Un tour sur les marchés de Bangui permet de comprendre l'ampleur du problème. Le prix de l'huile a presque doublé. Les autres matières premières et produits d'importation subissent des hausses comparables. Même le manioc, produit de consommation courante, est en hausse. « Tout est cher, ici », témoignent locaux et expatriés. La vie est encore plus chère pour les foyers modestes et les précaires. Une précarité en hausse, alors que la RCA serait « la prochaine réserve pétrolière d'Afrique subsaharienne. »

Où part la manne pétrolière ?

C'est ce qui ressort du rapport Mercer. Les villes africaines les plus chères sont aussi celles où coule l'or noir. Abidjan, 9e ville africaine la plus chère pour les expatriés, part à la course du titre de puissance pétrolière et gazière. L'an dernier, l'italien ENI et l'ivoirien Petroci Holding ont découvert un gros gisement (surnommé « baleine »). En juillet dernier, nouvelle découverte, qui pourrait transformer la Côte d'Ivoire en puissance pétrolière dès 2023, selon le gouvernement ivoirien. Les habitants en profiteront-ils ? Si oui, lesquels ? Pacome n'est pas expatrié, mais citoyen ivoirien. Il s'interroge quant à la hausse des inégalités, de plus en plus visibles à Abidjan. « La vie chère, nous la vivons tous à tous les niveaux. Aujourd'hui, vivre en Côte d'Ivoire est un parcours du combattant. Vous ne pouvez pas vous fier au lendemain, car ici à Abidjan rien n'est fait pour réduire le coût de vie. »

À Brazzaville aussi, les inégalités se creusent. Daniel, expatrié au Congo-Brazzaville, confirme : « Pour savoir si la vie est chère ou pas, cela dépend des critères sur lesquels on se base. Pour un Congolais moyen, au vu des niveaux des salaires qui sont très bas en général, si on compare avec l'Europe par exemple, la vie est très chère. Pour un expat, en général, la vie n'est pas chère, car beaucoup de produits sont vendus à de bas prix, quand on ramène cela à l'euro. [...] » La capitale congolaise, 10e au classement Mercer, a officiellement produit 344 000 barils de pétrole l'an dernier, chiffres qui le placent 3e producteur de pétrole en Afrique, derrière le Nigéria et l'Angola. Une manne financière qui ne profite pas à tous. À Pointe-Noire, ville côtière où sont implantées les industries pétrolières, environ 40 % des urbains ont accès à l'électricité, contre 10 % des ruraux.

Coup de chaud sur les prix de l'immobilier

Abouvenus a immigré au Maroc pour sa retraite et s'estime privilégié : « Pour les Marocains, oui, le coût de la vie peut être élevé, mais pas pour nous, retraités, qui avons un revenu convenable et supérieur aux Marocains, améliorés par le taux de change et l'abattement sur les impôts. Quoi qu'il en soit, les prix pratiqués au Maroc pour le quotidien sont beaucoup moins élevés qu'en France. » Selon le classement Mercer, Casablanca est la 21e ville africaine la plus chère pour les expatriés. La poussée inflationniste (6,3 sur toute l'année, plus de 8 % en septembre) a poussé la Banque centrale du Maroc à agir. La hausse des prix touche les produits de première nécessité : +2,7 % sur l'huile, +2,1 % sur le lait, le fromage et les œufs… Les hausses sont plus fortes encore à Casablanca, Marrakech, Meknès et Beni Mellal. Leur point commun : ce sont des villes touristiques, et qui attirent les expatriés.

Des expatriés qui subissent l'envolée des prix de l'immobilier. Plébiscitée par les touristes, la grande ville côtière Dar Es-Salaam (Tanzanie) est classée 28e ville la plus chère d'Afrique. Si Zanzibar ne figure pas dans le classement, la vie n'y est cependant pas moins chère, comme le témoigne Steff : « Je vis à Paje (village de l'île tanzanienne d'Unguja) depuis 7 ans. Ces 2 dernières années, ça construit partout. Au m² à l'achat, il n'est pas rare de trouver une maison "normale" avec 1000m² de terrain 250 000 USD […] » Selon que le terrain se trouve ou non en bord de mer, les prix peuvent tripler, voire plus. Le pays tente de rattraper son retard sur Maurice ou les Seychelles, en attirant davantage de gros investisseurs étrangers.

Mais l'affaire Blue Amber Resort pourrait bien refroidir les investisseurs de Tanzanie. Suite à un démêlé foncier, le gouvernement a récemment annulé le projet du promoteur britannique Pennyroyal, laissant de nombreux petits investisseurs dans le désarroi. Expatriés japonais, brésiliens, allemands… Ils pensaient tous emménager bientôt dans leur villa Blue Amber. Les premiers logements étaient attendus pour décembre. Le gouvernement se veut rassurant : si le bail foncier est suspendu, le permis d'investissement est encore valide. Mais pour les expatriés, le coup reste rude. Certains y ont laissé toutes leurs économies. D'autres espéraient passer leur retraite à Zanzibar.

Le prix de la qualité de vie

De nombreux expatriés s'accordent sur ce point : vivre coûte plus cher aujourd'hui. « Le coût de la vie à bien évolué depuis notre arrivée en 2018 », explique Motard.54, expatrié à l'île Maurice. « Globalement, notre budget a augmenté de pas moins de 15% sans que nos habitudes évoluent. Les produits importés, le carburant ou encore les frais de scolarité ont fait un réel bond en avant. Cela est à mettre en parallèle de revenus souvent bien amoindris par rapport à l'Europe d'où nous venons. Le budget demande une gestion précise. » Port-Louis, capitale de Maurice, arrive 35e au classement des villes les plus riches d'Afrique.

Qu'en pensent les expatriés à Maurice ? Gemaed et Marin ont fait leurs comptes. Il faudrait selon eux « 35 % » de revenus en plus par rapport aux revenus de France métropolitaine pour vivre à Maurice « de manière confortable ». Marin n'habite pas à Maurice, mais a pensé à immigrer à la Réunion. « Il y a quelques mois, j'envisageais d'aller m'installer à la Réunion avec ma femme et ma fille de 7 ans. J'ai une petite retraite de 1500 euros et ma femme est sans travail. J'avais envie de retrouver mes années passées sous les tropiques mais j'ai abandonné le projet. » Marin avait candidaté pour un poste de formateur maçonnerie, mais n'a pas eu de retour. « Dommage », conclut-il.

Motard.54 reste optimiste. Pour lui, malgré la hausse, vivre à Maurice reste bien plus abordable qu'ailleurs « […] concrètement la vie reste bien plus abordable qu'en Europe où tout a beaucoup augmenté et continue d'augmenter. Je dirais que le niveau de vie d'un expat reste bien meilleur ici. Et si nous comparons à nos amis mauriciens, nous plaindre serait déplacé. Alors oui, la vie peut se révéler chère à Maurice, il y a beaucoup de choses possibles pour limiter ses dépenses. Cette cherté relative est littéralement le prix à payer pour être et rester sur cette île magnifique. »

Nathalie, immigrée au Sénégal, partage une vision similaire : « Bien que l'alimentation ait subi des augmentations, le coût de la vie reste quand même nettement plus abordable qu'en France. Pour l'instant, à ce niveau, rien à redire. » Dakar, capitale du Sénégal, est la 8e ville la plus chère d'Afrique. Bellino, qui vit en Tunisie depuis 9 ans, constate aussi le « la vie a beaucoup augmenté ». Tunis est la 46e et dernière ville la plus chère d'Afrique. Mais pas question pour lui de partir. Le coût de la vie en Tunisie reste inférieur à celui d'autres États. Et pour Bellino, le bonheur se trouve aussi ailleurs : « la famille, la belle villa et le climat ».