Stress chez les expatriés : sont-ils moins vulnérables au burnout ?

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Publié le 2024-05-17 à 10:00 par Natallia Slimani
La vie d'expatrié est un enchaînement constant de rebondissements. En effet, l'installation et l'emploi à l'étranger offrent des perspectives uniques d'évolution personnelle et professionnelle, de découverte culturelle. Le tout accompagné de son lot de difficultés émotionnelles, financières et personnelles. Face à ces contrastes, nous pouvons légitimement nous questionner : comment les expatriés peuvent-ils trouver un juste équilibre ? Est-il vraiment possible de concilier tous ces aspects ?

Une étude récente de Cigna Healthcare confirme ce que beaucoup d'expatriés connaissaient déjà : la majorité d'entre eux subit un niveau de stress important. Pire encore, ils sont plus susceptibles de souffrir d'épuisement professionnel. L'étude révèle également que les expatriés ont un score de vitalité plus élevé que la moyenne. Une force intérieure qui les aide à mieux rebondir face aux difficultés et à l'épuisement professionnel.

Pourquoi les expatriés sont-ils plus stressés ?

L'étude révèle que les niveaux de stress des expatriés atteignent 86 % et que l'épuisement professionnel touche 96 % d'entre eux. Le stress semble également varier selon les destinations. En effet, les expatriés vivant dans les centres d'affaires asiatiques comme Singapour et Hong Kong sont les plus stressés, avec des taux respectifs de 89 % et 91 %. En revanche, l'Europe apparaît comme la destination la moins stressante pour les expatriés.

L'étude met également en lumière les principaux facteurs de stress rencontrés par les expatriés à l'étranger, qui sont les suivants :

Les défis financiers

L'expatriation s'accompagne d'un lot de défis et les soucis financiers ne sont pas des moindres. Cela peut s'avérer complexe et stressant de s'adapter à des devises inconnues, à des taux de change fluctuants, à des systèmes bancaires et fiscaux étrangers. De plus, le coût de la vie varie considérablement d'un pays à l'autre, ce qui oblige les expatriés à revoir drastiquement leurs habitudes de consommation.

Pour illustrer ces propos, prenons l'exemple de Marina et Pavel, expatriés à Antalya en Turquie depuis deux ans. Peu de temps après leur installation, une vague d'inflation a frappé le pays, entraînant une hausse soudaine et importante des prix : « Nos dépenses ont triplé du jour au lendemain. Notre propriétaire a immédiatement augmenté le loyer, nous n'avons donc pas eu le temps de nous préparer. Et comme si cela ne suffisait pas, les frais de scolarité de nos enfants pour le semestre suivant ont également augmenté. Nous nous sommes retrouvés dans une situation financière très difficile et avons dû demander de l'aide à nos amis. »

Le mal du pays

Même les expatriés les plus adaptables ne sont pas immunisés contre le mal du pays. Ce sentiment de nostalgie du pays natal peut se manifester de différentes manières, commençant par une légère mélancolie tapie au fond de l'esprit, pour parfois évoluer vers une insatisfaction générale envers la nouvelle destination. Cette frustration peut se traduire par des accès de colère et d'irritation, contribuant ainsi à l'augmentation du niveau de stress.

Difficulté à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée

L'expatriation implique souvent de se plier aux règles du jeu du pays d'accueil. Si la culture du travail locale impose des horaires plus longs, les expatriés doivent s'adapter et revoir leurs habitudes personnelles. De plus, la vie à l'étranger s'accompagne généralement de responsabilités supplémentaires liées à l'organisation et à la gestion de leur nouvelle vie. Ces tâches, souvent chronophages, éloignent les expatriés de leur foyer, de leur famille et de leurs loisirs.

Problèmes d'accès aux soins de santé locaux

Si la plupart des guides sur l'expatriation insistent sur l'importance de se familiariser avec le système de santé local, la réalité peut s'avérer plus complexe. Il est fortement recommandé de souscrire une assurance santé internationale, surtout lors des premières étapes de l'installation. Toutefois, le fait de ne pas savoir à qui s'adresser en cas d'urgence ou de se retrouver confronté à des factures médicales exorbitantes peut constituer une source majeure de stress pour les expatriés.

Alina, expatriée en Géorgie à la demande de son entreprise, en a fait l'amère expérience. Dès sa première semaine à Tbilissi, elle a été mordue par un chien errant : « Je ne savais absolument pas où aller ni quoi faire », raconte-t-elle. « Je n'avais pas encore d'assurance et aucune idée du coût des soins. J'ai dû prendre une semaine de congé pour régler tout cela, ce qui m'a beaucoup stressée et m'a même fait remettre en question mon choix de m'expatrier. »

La recherche d'un logement

Les transactions immobilières peuvent être stressantes, quel que soit l'endroit où l'on se trouve. Mais si vous ajoutez à cela un nouvel environnement, une barrière linguistique, des coûts imprévus et un manque d'informations concrètes sur la façon dont les choses se passent, le niveau d'anxiété peut grimper encore plus haut.

Les difficultés liées au travail 

Hong Kong et la Chine continentale sortent du lot, en affichant un stress professionnel particulièrement élevé.

Julia vit et travaille à Shenzhen depuis plus de dix ans et, d'après son expérience, le stress professionnel ne s'estompe jamais : « Travailler en Chine est très différent des autres pays. Le concept d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée n'existe pas vraiment ici. Il est vrai que je travaille dans un très bel immeuble de bureaux qui dispose d'une salle de sport, d'une piscine, d'un court de tennis : je pourrais ne jamais quitter le bureau si je le voulais. Mais c'est justement ce que l'on attend de nous. Mes collègues et moi-même restons après les heures de travail presque tous les jours, d'autant plus que le fait de quitter le bureau à l'heure est presque considéré comme une impolitesse. Ensuite, il y a la barrière de la communication et le fait que beaucoup de choses sont traitées différemment ici. Je suis donc constamment en réunion pour gérer les confusions et les malentendus ».

L'épuisement professionnel constitue une autre source d'inquiétude. Le stress général est naturellement le principal contributeur à ce syndrome. Toutefois, d'autres facteurs peuvent également nourrir le niveau élevé de fatigue ressentie par les expatriés.

En effet, les expatriés peuvent être confrontés à des attentes professionnelles plus élevées lorsqu'ils sont loin de chez eux. S'ils ont été envoyés par leur entreprise, ils peuvent avoir des objectifs spécifiques à atteindre dans des délais précis pour justifier les coûts de leur envoi à l'étranger. S'ils ont été recrutés sur place, ils peuvent être perçus comme des experts ou des spécialistes dans leur domaine. Et le salaire des expatriés étant généralement plus élevé que les salaires locaux, ils doivent constamment prouver leur valeur, ce qui peut contribuer à l'épuisement professionnel.

L'épuisement professionnel des expatriés ne se limite pas au seul cadre professionnel. Les difficultés rencontrées en dehors du travail, notamment en ce qui concerne l'adaptation au système, à la culture, à la langue, aux coutumes, à la communication et aux habitudes d'un nouveau pays, peuvent considérablement exacerber ce sentiment de lassitude et d'épuisement. Loin d'être un temps de repos et de détente, le temps libre des expatriés est souvent consacré à relever ces défis quotidiens.

Si les expatriés déménagent avec leur famille, ils endossent également la responsabilité d'aider leurs proches à s'adapter à leur nouvelle vie. L'apprentissage d'une nouvelle langue, la découverte d'une nouvelle culture et l'intégration dans un nouvel environnement social peuvent représenter des obstacles majeurs pour les membres de la famille des expatriés. S'ils ne parlent pas la langue locale, ils peuvent se sentir isolés et désorientés, nécessitant une aide constante pour effectuer les tâches quotidiennes.

Enfin, l'expatriation s'accompagne souvent d'un sentiment d'incertitude qui peut peser lourdement sur le moral. Inquiétudes concernant l'évolution de leur carrière, la stabilité de leur emploi ou les perspectives à long terme dans le nouveau pays sont autant de facteurs qui peuvent contribuer à l'anxiété et à l'épuisement.

Pourquoi les expatriés gèrent mieux le stress et l'épuisement professionnel ?

Malgré le niveau de stress élevé qu'ils subissent, les expatriés conservent une vitalité remarquable. Cette vitalité, définie comme la capacité d'une personne à poursuivre sa vie, leur permet de faire face aux obstacles et de s'épanouir dans leur nouvelle vie. 

En effet, ils développent des compétences et des stratégies qui leur permettent de mieux gérer les situations difficiles. Leur capacité d'adaptation, leur esprit d'aventure et leur motivation intrinsèque leur donnent les ressources nécessaires pour surmonter les obstacles et rebondir face à l'adversité.

Mikhail travaille à Hong Kong, l'une des villes les plus stressantes du monde et dans un secteur réputé pour la pression qu'elle exerce, la finance : « Je pense que le stress de mon travail me suit partout où je vais. Je ne pense pas que mon travail soit devenu plus difficile après mon expatriation, mais il est devenu plus intéressant. Au moins, maintenant, chaque fois que le travail me déprime, je peux me promener dans le port de Victoria ou descendre acheter des boulettes frites et un bol de riz gluant à la mangue dans le magasin en bas ».

Le dépaysement et la découverte de nouvelles perspectives semblent jouer un rôle capital dans la capacité des expatriés à gérer le stress lié à la délocalisation et à leur travail. Des études menées par l'université de New York et l'université de Miami corroborent cette hypothèse en démontrant que le fait de vivre des expériences nouvelles et variées est directement lié à des émotions positives et à des niveaux de bonheur plus élevés.

L'hippocampe, région du cerveau impliquée dans la navigation spatiale et la formation de la mémoire, semble particulièrement sensible à la « nouveauté des environnements ». Autrement dit, les personnes qui ont l'opportunité de vivre de nouvelles expériences au quotidien stimulent davantage leur hippocampe, ce qui se traduit par un sentiment de bonheur plus fort.

Imaginez un monde où chaque instant est une source de découverte. Un festival local devient une exploration culturelle, un nouveau plat une invitation à l'exotisme. Même les tâches les plus routinières se transforment en aventures lorsqu'on les aborde avec un regard curieux et ouvert. C'est précisément ce que vivent les expatriés au quotidien. Plongés dans un environnement inconnu, ils ont chaque jour l'opportunité de s'émerveiller, d'apprendre et de grandir.

L'expatriation implique souvent de quitter un réseau social bien établi pour se plonger dans un environnement inconnu. Loin de leurs amis et de leur famille, les expatriés peuvent se sentir isolés. Toutefois, les réseaux sociaux offrent une multitude d'opportunités pour nouer de nouvelles relations et tisser des liens solides dans leur pays d'accueil. Forums d'expatriés, groupes d'intérêt, plateformes d'échange linguistique : les expatriés disposent d'une multitude de plateformes virtuelles pour se connecter avec des personnes partageant des expériences et des centres d'intérêt similaires.

La flexibilité n'est pas seulement une compétence, c'est une stratégie de survie, pour ne pas dire une seconde nature chez les expatriés. Étant souvent plus ouverts aux changements de circonstances et aux rebondissements inattendus de la route, ils possèdent une capacité d'adaptation qui inclut la gestion du stress.

Il y a une certaine libération dans le fait d'être un étranger, un concept sur lequel la plupart des expatriés s'accorderaient. Ils doivent souvent agir en dehors des sentiers battus et des attentes de la société locale, ce qui peut se traduire par moins de pression et moins de stress. Cette distance leur permet de trouver des créneaux qui leur conviennent sans le poids des normes conventionnelles. Ainsi, si la vie d'expatrié comporte son lot de défis, ces défis leur permettent de développer des mécanismes d'adaptation efficaces, tels qu'un score de vitalité élevé. 

Les défis auxquels les expatriés sont confrontés tout au long de leur parcours sont d'excellents moteurs de développement personnel. Du fait qu'ils sont régulièrement exposés à de nouvelles expériences, ils ont la possibilité d'élargir leur vision du monde et d'améliorer leurs aptitudes à la vie quotidienne.

La décision même de s'expatrier témoigne d'un désir d'aventure et de nouvelles expériences. Cette motivation intérieure se traduit souvent par un mode de vie plus actif et engagé et, en fin de compte, par une vie plus épanouie.