L'art et le social au coeur du film
Écrit, filmé et réalisé par le poète et metteur en scène Ryan Krishna Appadoo, plus connu comme Daarka, le long-métrage Âme Cœur est un petit bijou du cinéma Mauricien. Officiellement lancé le 4 mai, il s'agit d'un film typiquement mauricien, dont l'histoire et les personnages reflètent certaines réalités de notre société, de nos traditions, de nos cultures. Entre autres, l'histoire évoque le sujet épineux du don d'organes, mais aussi la santé mentale, la pauvreté, les addictions, l'art et le social.
Ces choix de thématiques révèlent l'engagement continu du réalisateur en tant qu'artiste social. Daarka, figure omniprésente sur les réseaux sociaux, est un artiste amoureux de la langue creole qui déploie son expression à travers divers médiums tels que le théâtre et la poésie. À travers ses collaborations avec des ONG locales, il s'inscrit pleinement dans une démarche artistique engagée, où la création artistique devient un puissant levier de changement et de sensibilisation sociale. En ce sens, Âme Cœur incarne parfaitement sa vision du rôle de l'art dans la société, en tant que catalyseur de réflexion et de dialogue.
Shayna et Kyaan, deux personnages diamétralement opposés
Dans Âme Cœur, ont suit la vie de Shayna (Gabrielle Rosse), une jeune femme bienveillante qui grandit dans un orphelinat en Afrique du Sud. Recueillie par Veer, un vieil homme d'origine mauricienne, elle mène avec lui une existence paisible, et essaye de profiter de la vie du mieux qu'elle peut. Parallèlement, le film nous dresse le portrait de Kyaan (Guillaume Silavant), un peintre nihiliste et accro à la drogue qui vit aux crochets de son frère (Christophe St Lambert). Shayna et Kyaan sont deux personnages que tout oppose. Si tous les deux sont artistes, l'une se caractérise par sa positivité et sa gentillesse, tandis que l'autre porte un dégoût profond de la vie, et semble sombrer peu à peu dans l'auto destruction. Mais tout bascule lorsque Shayna meurt d'un accident vasculaire cérébral après une performance. Son père adoptif doit alors réaliser le dernier souhait de sa fille : faire don de ses organes.
Une invitation à l'émotion et à la réflexion
L'une des forces d'Âme Cœur réside dans sa capacité à aborder une multitude de thèmes sociaux avec subtilité et profondeur. Le film explore les ruelles sombres de la condition humaine tout en laissant filtrer la lumière de l'espoir et de la résilience, notamment à travers le personnage de Shayna. Cependant, cette richesse thématique s'avère parfois être aussi une faiblesse. En effet, Âme Cœur effleure une multitude de sujets sans toujours prendre le temps de les approfondir. Avec une durée de seulement 1h10, le film semble par moments survoler ces thèmes sans les explorer en profondeur, et on reste sur sa faim. Cette superficialité se ressent également dans le développement des personnages, qui manquent parfois de consistance et semblent être là uniquement pour véhiculer un message, plutôt que pour nourrir l'histoire de manière organique.
Malgré tout, le film révèle un casting d'une qualité indéniable. Les acteurs, certains vétérans du cinéma mauricien, et d'autres novices, donnent vie aux personnages avec une sensibilité et une authenticité palpables. On salue notamment la performance de Christophe St Lambert qui crève l'écran dans son rôle d'homme torturé par la situation de son frère.
Et si le film flirte parfois un peu trop avec le mélodrame, il arbore une image d'une sensibilité dont seul un poète pourrait faire preuve. Les plans sont contemplatifs, et dressent un portrait réaliste de notre île Maurice, la figeant dans le temps, rien qu'un instant.
En somme, Âme Cœur est le premier film d'un réalisateur prometteur, qui saura toucher et interroger le spectateur par sa sensibilité poétique et sa quête de vérité sociale. A ceux qui cherchent à découvrir un pan de la richesse artistique et sociale de l'île Maurice.
