Expatriation et cigarette : une opportunité pour dire stop ?

Vie pratique
  • non à la cigarette
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Publié le 2024-04-24 à 11:00 par Asaël Häzaq
On vous l'accorde : à première vue, on ne voit pas vraiment de rapport entre expatriation et cigarette. Mais à y regarder de plus près, on trouve bien des liens entre les deux. Tout d'abord, côté finances. Boostés par l'inflation, les paquets de cigarettes peuvent revenir chers. La facture s'alourdit encore avec les différentes mesures antitabac que les États peuvent prendre.

Expatriation et tabac : quelles règles appliquent les États ?

La lutte contre le tabagisme se muscle dans un nombre croissant de pays. Le tour de vis prend la forme de lois de plus en plus sévères pour contraindre la consommation de tabac. « S'expatrier ou fumer, et s'il fallait choisir... » semblent dire en filigrane les différentes mesures des États.

Allemagne

En Allemagne comme dans de nombreux pays, la cigarette est bannie dans les bâtiments publics (administrations, hôpitaux, cinémas, universités…), les gares, les aéroports, les restaurants et cafés… Des aires sont réservées aux fumeurs, notamment dans les gares et aux aéroports. Par contre, vous serez prié de sortir du bar ou du restaurant pour vous en griller une. Attention à vos mégots : ils doivent être jetés dans des cendriers et surtout, pas abandonnés dans la rue. Mais la législation allemande est jugée laxiste en la matière. L'Allemagne est l'un des rares pays européens à encore tolérer les pubs pour le tabac. La consommation a bondi depuis les confinements, surtout chez les jeunes. Début 2023, le gouvernement a promis de renforcer les lois sur le tabac. Un renforcement qui passe par des hausses régulières du prix du paquet de cigarettes. Comptez actuellement 7,5 euros en moyenne pour un paquet (20 cigarettes). Mais la récente légalisation du cannabis suscite autant d'interrogations que de craintes.

Portugal, Espagne et Italie

Le 11 mai 2023, le Portugal vote une nouvelle salve de mesures qui restreint encore un peu plus la consommation de tabac. Depuis cette date, il est interdit de fumer sur des terrasses couvertes, près des hôpitaux ou des écoles. Vendre du tabac aux abords des lieux ayant banni la cigarette sera également proscrit, même pour des ventes dans les distributeurs automatiques. L'Espagne prend un tour de vis similaire. Si vous pensiez vous en griller une pour fêter vos premiers jours d'expatriation sur une plage espagnole, c'est raté. Depuis 2021, Barcelone interdit la cigarette sur ses plages. La mesure fait bondir les restaurateurs, mais le pouvoir régional défend la mesure et souhaite même son élargissement pour « éradiquer le tabac de l'espace public ». Confrontée à une augmentation du nombre de fumeurs, l'Italie réfléchit aussi à durcir ses mesures antitabac.

Île Maurice

L'île Maurice a justement durci ses mesures antitabac. Son dernier plan (31 mai 2023), encensé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), instaure le paquet de cigarettes neutre et renforce l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics clos et certains lieux en plein air (plages, arrêts de bus, jardins, terrasses des cafés et restaurants…). N'imaginez pas allumer votre cigarette au volant : fumer dans sa voiture est interdit, même à l'arrêt. En cas d'infraction, vous risquez des amendes de 5000 à 10 000 roupies mauriciennes (100 à 200 euros) et un an d'emprisonnement en cas de récidive. Comme le Portugal, Maurice interdit la vente de cigarettes dans le périmètre proche d'institutions scolaires, éducatives, sportives ou de loisirs.

Ne comptez pas non plus sur les cigarettes électroniques : elles sont interdites. Depuis le 31 mai 2023, tous les nouveaux produits récréatifs contenant de la nicotine sont interdits. Les dispositifs de tabac chauffé et les produits du tabac non fumé sont également prohibés. À la pointe de la lutte antitabac en Afrique, l'État mauricien est bien décidé à gagner son combat contre le tabagisme, surtout pour les jeunes générations.

États-Unis

En projet d'expatriation aux États-Unis ? La première puissance mondiale s'est, depuis longtemps, lancée dans des séries de mesures antitabac. Cette précocité explique que seul un Américain sur 9 déclare fumer des cigarettes. Aux États-Unis, vous ne pouvez pas fumer comme vous voulez, même si vous vous trouvez en centre-ville ou dans votre immeuble. Les gouvernements successifs ont tapé sur le porte-monnaie : un paquet de cigarettes peut coûter jusqu'à 18 euros. Voilà une bonne raison d'arrêter. Le gouvernement Obama s'est même attaqué à la substance même, en faisant réduire le taux de nicotine dans les paquets de cigarettes. Aux États-Unis, la cigarette est définitivement passée de mode. Mais attention : si fumer est has been, vapoter semble de plus en plus populaire, surtout chez les jeunes. Les médecins se déchirent sur les bienfaits ou les méfaits de l'e-cigarette. Conduit-elle vraiment à créer une « génération sans tabac » ? Peut-on substituer la cigarette à l'e-cigarette ou faut-il essayer d'arrêter complètement la cigarette ? En France, les mêmes débats ont conduit à une vigilance accrue des cigarettes électroniques, accusées de provoquer une tolérance à la nicotine.

Suède

Vous pensez peut-être trouver la belle vie en Suède et vapoter tranquillement, à défaut de fumer. Peine perdue. La Suède a tranché : non à la cigarette et à la version électronique. En août 2019, une nouvelle loi contraint un peu plus l'usage de la cigarette. Le tabac et la vape sont interdits dans les abribus, les terrasses extérieures et même dans la rue.

Australie

Vous espérez contourner la rigueur suédoise en vous expatriant en Australie ? Là encore, c'est une mauvaise pioche. Le pays est l'un des plus sévères en matière de plan antitabac. L'Australie compte moins de 12 % de fumeurs quotidiens. Fumer dans les lieux publics est interdit. Vous avez encore une petite lucarne dans la rue. Mais ne comptez pas sur votre vapoteuse. En mai 2023, le gouvernement vote un ambitieux plan (plan 2023-2030) visant à réduire encore plus la cigarette et à éradiquer les e-cigarettes. Pour l'État, la vapoteuse ouvre une brèche dangereuse vers la cigarette, surtout chez les jeunes. Depuis le 1er janvier 2024, l'importation de cigarettes électroniques jetables est interdite. Des taxes sur le tabac (5 % par an) sont aussi programmées depuis 2023.

Nouvelle-Zélande

Si l'Australie se félicite d'être à la pointe de la lutte antitabac, la Nouvelle-Zélande entendait aussi créer l'évènement. Fin 2022, le gouvernement de l'époque, dirigé par la Première ministre Jacinda Ardern, vote une ambitieuse loi pour « l'interdiction générationnelle de fumer ». La mesure relevait un âge légal de consommation de tabac chaque année, pour protéger les plus jeunes. Concrètement, les personnes nées après 2008 n'auraient plus pu acheter des cigarettes. Mais en novembre 2023, le nouveau gouvernement abandonne le projet. Christopher Luxon, le nouveau Premier ministre, craint une explosion des ventes de tabac au marché noir et une baisse significative des recettes pour l'État. Le chef du gouvernement reconnaît la manne que représentent les taxes sur le tabac, sans toutefois en faire la source qui a motivé son retour en arrière.

France

Quitte à vous expatrier, vous préférez miser sur une « terre historique des fumeurs ». Mais comme de nombreux autres pays, la France a développé un solide plan antitabac, à base de hausses régulières du prix du paquet de cigarettes (actuellement 12 euros le paquet). On comprend mieux pourquoi de nombreux Français filent se ravitailler en Belgique (environ 10 euros le paquet), en Allemagne (7,5 euros), en Espagne et en Italie (5,5 euros). Depuis 2020, l'État comptait sur un décret limitant justement l'importation de tabac provenant des autres pays de l'Union européenne (UE). Mais en mars 2024, l'UE contraint la France à revenir sur sa décision. Buralistes et organismes de lutte contre le tabac voient rouge. Mais l'État n'a pas dit son dernier mot : son plan antitabac 2023-2027 augmentera le prix d'un paquet de cigarettes à 13 euros, augmentera les lieux publics sans tabac (plages, parcs publics…), et interdira la vente des produits du vapotage. En France, le tabac cause 75 000 décès par an. Voilà encore une bonne raison pour arrêter de fumer.

Bosnie-Herzégovine

En revanche, vous ne rencontrez pas vraiment de difficultés si vous vous expatriez en Bosnie-Herzégovine, et plus généralement, dans les pays de l'Europe du Sud-Ouest. La cigarette y est encore très présente, chez les adultes comme chez les jeunes. Rien qu'en Bosnie-Herzégovine, elle causerait plus de 10 000 décès par an. Le gouvernement fédéral tente bien de faire appliquer un plan antitabac, mais reste à la peine. Depuis début 2023, fumer dans les lieux publics fermés est interdit. A priori donc, les bars et les restaurants devraient être concernés par la mesure. En pratique, personne ne s'offusquera de vous voir fumer, au contraire : tout le monde le fait. La loi est, de base, limitée à la Fédération bosno-croate, qui se partage l'administration du pays avec la République serbe de Bosnie. Dans cette République, aucune loi antitabac n'est à l'ordre du jour.

Japon

Vous pensez avoir trouvé votre Eldorado. Tout le monde dit qu'au Japon, les fumeurs s'enfument tranquillement. Le pays est en effet en retard en matière de campagne contre le tabac. Mais cela ne signifie pas qu'il ne fait rien. Oubliez votre petit plaisir de vous en griller une tout en marchant dans la rue : c'est interdit. N'essayez pas de jouer à « l'expatrié qui ne savait pas ». Vous n'échapperez pas aux 40 euros d'amende. De nombreux fumoirs clairement identifiables sont prévus pour vos collègues fumeurs et vous. Au Japon, on ne fume pas dans la rue, mais on peut le faire dans les espaces fumeurs des lieux privés (restaurants, cafés…). Acheter des cigarettes est très simple, et peu cher : à peine 3 à 4 euros le paquet, pour des cigarettes trouvables dans toutes les supérettes du coin. Les associations antitabac ont cru voir une avancée lors des JO de 2020, mais selon l'OMS, le Japon reste à la traine. La faute (notamment) à une industrie du tabac qui demeure très influente. Mais n'en profitez pas pour engloutir vos yens dans les paquets de cigarettes. Au contraire, profitez-en pour essayer d'arrêter de fumer.

Profiter de votre expatriation pour arrêter de fumer : les bons conseils

Votre projet d'expatriation peut être une source de motivation forte pour vous lancer dans l'arrêt de la cigarette. Mais avant d'éteindre votre dernier mégot, faites le point sur vous-même. Êtes-vous grand fumeur ou fumeur occasionnel ? Connaître votre profil fumeur sert à connaître votre niveau de dépendance, pour choisir la stratégie de sortie du tabac la mieux adaptée à votre situation. Faites-vous accompagner par un professionnel de santé et parlez-lui de votre projet d'expatriation. Il pourra vous proposer un plan sur-mesure et, éventuellement, vous recommander à des confrères du pays d'expatriation.

L'expatriation peut être une bonne source de motivation pour arrêter de fumer, de même que la volonté de faire des économies, d'être en meilleure santé, un projet bébé en route… Il n'existe pas de raison « futile » pour arrêter de fumer. Arrêter de fumer pour avoir de plus jolies dents ou une meilleure peau est tout aussi valable qu'arrêter pour augmenter son pouvoir d'achat.

Substitutifs nicotiniques, thérapies comportementales et cognitives, coaching personnalisé… Il existe plusieurs moyens pour arrêter de fumer. Intégrez votre projet d'arrêt du tabac dans celui de votre vie à l'étranger. Envisagez-le sous un angle positif : libéré du tabac, vous apprécierez encore mieux votre expatriation.