L'Allemagne ponctionne toujours plus les passagers aériens

Le 1er mai s'est traduit en Allemagne par l'entrée en vigueur d'une nouvelle hausse des taxes aériennes pour les passagers. Et elle est conséquente: +19%, soit une taxe qui désormais s'échelonne entre 15,53 € et 70,83 € selon l'itinéraire.


Cette augmentation fait bondir les milieux aériens. « Alors que les performances économiques de l'Allemagne sont au mieux anémiques, affaiblir sa compétitivité en augmentant les taxes sur l'aviation relève de la folie politique. Le gouvernement devrait donner la priorité aux mesures visant à améliorer la position concurrentielle de l'Allemagne et à encourager le commerce et les voyages. Au lieu de cela, il a opté pour une ponction à court terme qui ne peut que nuire à la croissance à long terme de l'économie« , a déclaré Willie Walsh, directeur général de l'IATA.


Cette nouvelle augmentation devrait ralentir un peu plus la reprise du transport aérien allemand après la pandémie. La convalescence du trafic aérien allemand reste en retrait par rapport au reste de l'Union Européenne. Selon les chiffres de l'Association des aéroports allemands ADV, le nombre de passagers restait encore inférieur de plus de 20% en 2023 comparé à 2019, dernière année avant le Covid. En 2023, l'Allemagne a enregistré 197,2 millions de passagers contre 248,06 millions en 2019.

Le trafic intérieur allemand en chute libre


Les chiffres sont encore pires sur le trafic intérieur. La hausse continue des taxes se combine en effet à la réduction de l'offre et à la réticence des Allemands à prendre des vols intérieurs. L'ADV a comptabilisé sur les aéroports 23,1 millions de passagers intérieurs l'an passé. Soit 50% de moins qu'en 2019 (46,18 millions de passagers)!


A Berlin par exemple, le volume de passagers sur les lignes intérieures a baissé de 64% entre 2019 et 2023, passant de 8,27 à 2,98 millions. Même constat à Düsseldorf où le nombre de voyageurs sur les lignes intérieures a chuté de 4,2 millions en 2019 à 1,6 million en 2023, un recul de 62%.


Dans un entretien au quotidien économique allemand Handelsblatt, le PDG de Lufthansa Carsten Spohr, expliquait que les conséquences des coûts de plus en plus élevés en Allemagne prenaient des formes de plus en plus concrètes. « Elles se traduisent par la suspension de lignes. Comme par exemple entre Francfort et Friedrichshafen ou entre Leipzig et Munich […] Malgré les besoins des passagers affaires, ces lignes ne se justifient plus financièrement en raison des coûts d'exploitation en hausse. Et croyez moi: je le déplore car il affecte l'attrait de l'Allemagne ».


Et de préciser encore : »Les coûts pour l'utilisation des infrastructures aériennes en Allemagne ont grimpé de 80% en quelques années. On ne peut donc plus se permettre d'exploiter des lignes à faible revenue. Moins d'un quart de notre chiffre d'affaires se fait sur les lignes domestiques aujourd'hui ».

Munich, second hub allemand de Lufthansa et Star Alliance (Photo: Luc Citrinot)

Un gouvernement financièrement aux abois selon IATA


Pour IATA, l'augmentation de la taxe pourrait entraver les efforts de décarbonisation de l'industrie. L'accord de coalition du gouvernement allemand prévoyait à l'origine que les recettes des taxes sur l'aviation financeraient directement la production de carburant vert (SAF), mais cet engagement n'a pas été respecté selon IATA. En affaiblissant le transport aérien allemand avec cette taxe, les compagnies aériennes auront plus de mal à investir dans les SAF. Ou encore dans une flotte plus économe en carburant et dans d'autres efforts de décarbonisation.


« Le gouvernement allemand semble avoir une obsession malsaine pour les taxes sur l'aviation. En plus d'augmenter la taxe sur les passagers, il est également en faveur d'une taxe européenne sur le kérosène qui rendra encore plus coûteux les voyages d'affaires en Allemagne ou les vacances. Notre enquête auprès des voyageurs aériens en Allemagne montre un profond scepticisme à l'égard des « taxes vertes » réclamées par les gouvernements. 75 % sont d'accord avec l'affirmation « La taxation n'est pas le moyen de rendre l'aviation durable » et 72 % sont d'accord avec l'affirmation « Les taxes vertes ne sont que de l'écoblanchiment de la part des gouvernements« , analysait encore Willie Walsh.  jean Luc1f609.svg