S'expatrier en 2024 : pourquoi de plus en plus de personnes choisissent de partir ?

Vie pratique
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Publié le 2024-05-10 à 10:00 par Asaël Häzaq
On a cru l'expatriation enterrée avec la COVID-19, puis avec la crise internationale sans fin. Mais les expatriés sont toujours là. Ils sont même attendus par les États en pénurie de main-d'œuvre. Que signifie « s'expatrier » en 2024 ? Y a-t-il un avant et un après COVID ? Tour d'horizon des raisons qui poussent à prendre le large.

Envie d'ailleurs : les nouveaux expatriés post-COVID

Les confinements ont paradoxalement encouragé les envies d'ailleurs. On l'a vu notamment chez les étudiants, avec une reprise de la mobilité internationale sitôt les frontières levées. On l'a aussi vu chez les actifs, motivés par les plans d'immigration des États en pénurie de main-d'œuvre. Quitter son pays pour cueillir l'herbe plus fraîche de son voisin a toujours existé. Mais il y a encore 20 ans, l'image du « golden expat » collait à la peau de l'expatrié. Forcément cadre supérieur au contrat d'expatriation plein d'avantages, le « golden expat » profitait de la vie entre deux avions.

Le nouveau visage des expatriés

Cette image n'a pas attendu la crise sanitaire pour tomber dans les oubliettes. Les contrats d'expatriation pèsent sur les finances des entreprises, qui préfèrent travailler avec des contrats locaux. Les candidats à l'expatriation sont plus jeunes (étudiants, jeunes actifs…) et n'hésitent pas à quitter leur pays pour tout reconstruire ailleurs. On le voit encore plus depuis la crise sanitaire, et le phénomène touche de nombreux pays : les jeunes ne sont pas attirés par le modèle d'ascension sociale de la génération précédente. Décrocher un contrat à durée indéterminée (CDI) et acheter une maison ne fait plus forcément partie de leur objectif principal.

Certains travailleurs évoluant dans les métiers en tension préfèrent même accumuler de l'expérience en s'expatriant dans plusieurs pays. Ils savent leur profession recherchée et préfèrent cette vie de nomade, même avec ses contraintes (éloignement d'avec la famille, solitudes, formalités pour le visa, etc.). Le nomade numérique n'est pas loin. Cette forme d'expatriation est en plein boom depuis la COVID. Propulsé par le travail à distance, lui-même, mis en lumière par la crise sanitaire, le nomadisme numérique séduit un nombre croissant de jeunes actifs. Ils sont entrepreneurs individuels ou salariés, travaillent à l'étranger à l'année ou quelques mois par an. Ils ne cherchent ni la fortune ni la sécurité du CDI et de la maison à crédit (du moins, pour un temps). Ils préfèrent profiter de la vie justement parce qu'ils ont peu d'attaches.

Vivre ses rêves : le puissant moteur de l'expatriation

Tout comme la COVID a encouragé les envies d'ailleurs, la crise internationale qui s'installe ravive les rêves enfouis. Les candidats au départ voient ces temps d'incertitude comme un tremplin pour vivre leurs rêves. Les rêves, les objectifs, les aspirations restent un puissant moteur de l'expatriation. Et là encore, on ne va pas forcément chercher le salaire mensuel à 4 chiffres. Bien entendu, gagner plus et améliorer son niveau de vie demeurent des locomotives fortes de l'expatriation. Mais elles ne sont plus une fin en soi.

Ce glissement progressif vers une expatriation « qui donne du sens à la vie » s'observe aussi bien chez les pvtistes (titulaires d'un permis vacances travail) que chez les étudiants ou les travailleurs. La recherche d'une meilleure qualité de vie sur le plan pratique (hausse des revenus) va de pair avec la quête de soi.

Les candidats à l'expatriation veulent donner du sens à leur voyage. Certains partent définitivement. D'autres envisagent quelques années à l'étranger. Mais tous veulent ressortir transformés de ces voyages. Ils n'ont pas choisi leur pays de naissance, mais peuvent choisir leur pays de cœur. C'est avec cette idée que les nouveaux expatriés partent à l'aventure. Une aventure plus humaine et davantage tournée vers la préservation de l'environnement. La conscience écologique gagne du terrain chez les nouveaux expats. Certains choisissent même leur destination en fonction de la politique environnementale.

Construire un avenir loin des crises

Des économistes se demandent s'il ne faudrait pas arrêter d'employer le mot « crise ». Ils rappellent qu'une « crise » est temporaire. Passe encore pour la « crise sanitaire », maintenant derrière nous. Mais que dire de la « crise économique » ? Cette crise-là perdure, avec la crise du chômage, de l'énergie et de l'inflation. Sans parler des guerres, de la menace terroriste et des turbulences géopolitiques. Voilà un tableau que personne ne voudrait accrocher chez soi.

Pour fuir le marasme de leur pays, beaucoup sont prêts à tenter l'expatriation. Mais où aller ? On parle de crise au Japon, en Australie, en Italie, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Afrique du Sud, au Maroc, au Canada, en Suède, au Brésil, au Mexique, en Chine... Crise immobilière, et/ou économique, énergétique, sociale, politique…

Les candidats à l'expatriation prennent néanmoins les choses avec philosophie. Il en faut pour pouvoir partir. Ils préfèrent voir le verre à moitié plein et ciblent des pays qui traversent une crise moins importante que la leur, ou une crise qui n'entravera pas leur route. Car si l'on trouve de grandes puissances parmi les pays en crise, on trouve aussi davantage de perspectives de carrière, de meilleurs revenus, plus de liberté et de tranquillité. C'est assez pour motiver les Français à immigrer au Canada, pour encourager les Indiens à tenter les États-Unis, pour inciter les Indonésiens à essayer le Japon… Avec eux, des milliers d'autres ressortissants s'aventurent à l'étranger pour espérer améliorer leur train de vie.

Se former à l'international pour rivaliser avec l'IA

L'expatriation version 2024 doit aussi composer avec l'IA (intelligence artificielle) ou plutôt les IA. Les génératives, celles qui font le plus parler, soufflent le chaud et le froid dans le monde scientifique et l'espace public. Les talents étrangers de la Tech sont aux premières loges, dans tous les sens du terme. On trouve les optimistes, pour qui le développement des IA favorise encore plus le travail sans frontières. Les startups et les grands groupes s'arrachent les meilleurs développeurs, roboticiens, codeurs et ingénieurs.

Mais on trouve aussi les pessimistes, qui estiment que le monde de l'innovation ne prend pas assez en compte l'humain, le salarié, notamment le travailleur étranger. Les incroyables licenciements dans la Tech (qui se poursuivent toujours) sont dans toutes les mémoires. L'un des meilleurs exemples reste la détresse des détenteurs du visa de travailleur qualifié H-1B aux États-Unis. La pandémie a mis en lumière la complexité des procédures de ce visa. Les licenciements dans la Tech ont plongé nombre de talents étrangers dans l'incertitude et la précarité. Depuis, les États-Unis ont engagé une réforme (plus de visas H-1B, mais plus de frais), les travailleurs étrangers et futurs expatriés restent prudents.

Raison de plus pour se former à l'international, embrayent les optimistes. Les pragmatiques les rejoignent tout en apportant une nuance de taille : oui au développement des métiers de l'IA, mais oui aussi à la régulation des IAs. Pour eux, l'intelligence artificielle ne doit pas transformer le monde en Far West. Ces expatriés sont par exemple contre le développement des IA de juristes ou d'avocats, qui conduiraient selon eux à une justice à deux vitesses. Ceux n'ayant pas les moyens de payer un bon avocat se tourneraient vers les IA, au risque d'être moins bien défendus.

Vivre son expatriation pour vivre sans regret

À côté de ces « nouvelles » motivations pour s'expatrier, on retrouve bien sûr toutes les autres : apprendre une nouvelle langue, découvrir une nouvelle culture, se mettre au défi, se faire des amis à l'étranger, se former, vivre près de la nature, etc. Toutes ces sources de motivation peuvent se résumer en une phrase : vivre son expatriation pour vivre sans regret. C'est la raison qui pousse de nombreux vingtenaires, trentenaires et quarantenaires à surfer sur les annonces des États pour tester le nomadisme numérique, la vie d'étudiant ou de travailleur étranger. Les nouveaux expatriés n'ont pas fini de faire parler d'eux.